Rail : à Massy, « Chagall », sa grue géante, et ses deux ponts massifs
Menée pour le compte de la RATP et de SNCF Réseau, la pose de deux ponts-rails vient d’être réalisée dans la zone ferroviaire dense de Massy, dans l’Essonne. D’ampleur exceptionnelle, l’opération a fait appel à une grue hors norme, d’une hauteur de 100 mètres.
Par Christophe Palierse – LES ECHOS –
Une grue, venue spécialement d’Indonésie, d’une hauteur de 100 mètres au bout de sa flèche et d’un poids total à vide de 4.544 tonnes ; un pont de 1.375 tonnes, un autre de 950 tonnes, l’un et l’autre assemblés sur place… C’est une rencontre de titans qui se tient depuis quelques mois à Massy (Essonne), à une vingtaine de kilomètres au sud de Paris.
Son point d’orgue a eu lieu cette semaine avec la pose – en deux temps, dans la nuit puis dans l’après-midi – des nouveaux ponts de Chartres et de Gallardon, qui vont respectivement équiper les lignes B et C du RER (pour Réseau Express Régional) francilien, se substituant à deux ouvrages métalliques de 460 tonnes remontant l’un à 1923, l’autre à 1928.
Opération Chagall
La dépose de ces deux vénérables ponts-rails, dont seuls les noms subsisteront – les matériaux devant être recyclés – a d’ailleurs été le premier temps fort, les 18 et 19 juillet, de ce chantier commun à la RATP et à SNCF Réseau, la première exploitant la ligne B du RER, la SNCF opérant la C via Transilien SNCF.
D’ampleur exceptionnelle, cette opération baptisée « Chagall » (pour Chartres-Gallardon), est aussi complexe car les deux ponts permettent le franchissement d’une avenue de Massy mais aussi de la ligne à grande vitesse Atlantique. Outre l’interruption du trafic sur les lignes B et C du RER, il a d’ailleurs fallu couper cet été, par deux fois, la LGV.
Au-delà de sa réalisation en milieu urbain dense et de la coexistence de plusieurs services ferroviaires, la complexité des travaux tient aussi à la présence d’un talus de l’ordre d’une vingtaine de mètres, d’où le recours à une grue hors-norme pour lever les ponts assemblés en contrebas.
La rareté de la grue – il n’en existe que quelques spécimens d’un tel gabarit dans le monde – a été un élément crucial du projet et de sa programmation. Il a fallu la réserver très en amont et pour plusieurs mois dans la mesure où le montage et le démontage nécessitent plusieurs semaines et que le remplacement des ponts intervenait l’été, une période chargée en matière de travaux ferroviaires et, en langage des spécialistes de ces chantiers, d’« opérations coup de poing ».
La mise en oeuvre du projet d’un coût de 116 millions d’euros, a été lancée fin 2020 par ses deux maîtres d’ouvrage. Le chantier a toutefois été retardé d’un an à la suite de la disparition accidentelle d’un ingénieur de la SNCF, fin juillet 2021, provoquée par un affaissement de terrain à hauteur de la gare de Massy-Verrières.
Saut-de-mouton
Les travaux ont été confiés à un groupement mené par le spécialiste de la construction et de l’immobilier Demathieu Bard. Cette entreprise lorraine est un vieux partenaire de la SNCF, son métier historique était la réalisation d’ouvrages d’art.
Sur le projet de Massy interviennent également Berthold, chargé de la structure métallique de chacun des nouveaux ponts, Botte Fondations pour le génie civil, TSO (groupe NGE) pour la signalisation, et Alstom pour les caténaires.
Ce chantier va permettre d’améliorer le service de la RATP comme celui de la SNCF. Ainsi, le nouveau pont de Chartres contribuera à la modernisation du RER B avec la mise en service, à horizon 2025-2026, des trains MI20, laquelle devrait par ailleurs entraîner une réduction de la consommation d’énergie de traction de 25 %.
Renforcés et dotés d’un ballast – contrairement aux anciens ouvrages -, les nouveaux ponts amortiront également davantage les vibrations et les nuisances sonores.
S’agissant de la SNCF, l’opération Chagall fluidifiera d’autant plus le trafic dans la zone clef de Massy qu’elle se combine avec la suppression d’un croisement entre la ligne C et la LGV entre Massy et Anthony. Pour ce faire, il est créé un tronçon de ligne TGV et un ouvrage de type saut-de-mouton. Egalement confiés à Demathieu Bard, les travaux consistent à édifier un court tunnel. Ils permettront, une fois finalisés à l’été 2025, de faire passer les trains de la ligne B sous la ligne C, la LGV ayant par ailleurs une voie spécifique.