« Quand j’ai quitté l’atelier, quand je suis dans la rue, c’est alors que plus rien n’est vrai de ce qui m’entoure. » Il y a des choses que les artistes voient qui sont transparentes aux yeux du commun des mortels. Genet raconte ainsi Giacometti en extase dans son atelier devant des bouteilles recouvertes de poussière : « C’est joli ! C’est joli ! » Elles ont pris la patine du temps.
Elles sont recouvertes d'une matière qui les rend certainement semblables à des objets en terre. Il y a aussi des choses que les artistes exigent et qui pourraient sembler insupportables au commun des mortels. Ainsi, même lorsque ses moyens le lui permettront Alberto, pourtant dépensier, restera vivre avec sa femme Annette dans son misérable atelier, sans eau chaude et sans salle de bains. Ces 23 m2 concentrent à l'extrême - et il en a besoin - son univers mental. Adresse : 46 rue Hippolyte-Maindron, dans le 14e arrondissement parisien. Il y travaillera de 1926 à sa mort, en 1966. Aujourd'hui encore, de l'extérieur on voit une façade triste située juste à côté de l'école primaire. Là, une plaque signale que la présence qu'Alberto y vécu avec son frère et grand complice Diego comme voisin.
Mais l’atelier lui-même, entièrement reconstitué, se visitera à partir du 21 juin au tout nouvel Institut Giacometti. C’est là que Catherine Grenier, la directrice de la fondation Giacometti, a décidé de recréer avec une grande précision le lieu de travail du maître suisse. À sa mort, en janvier 1966, son épouse, Annette, faute de pouvoir en faire l’acquisition avait même réussi à partir avec les murs sur lesquels Giacometti avait dessiné ses silhouettes fantomatiques. Avant cela, une infinité de photos avaient été prises sur place.
Giacometti aime la matière du plâtre, il lui arrive même de peindre ses bronzes en blanc. Après guerre ce qu’il cherche à représenter à travers ses silhouettes élancées à la fois si lointaines et si familières c’est, comme le dit Jean Genet : « Cette région secrète, cette solitude ou les êtres – les choses également – se réfugient. » L’atelier est un capharnaüm étroit et organisé où il aura fait poser longuement ses intimes mais aussi celles qu’il appelle « les poules », les prostituées qu’il va aussi visiter le soir au bordel. Les pinceaux en vrac, des bouteilles vides, les statuettes à moitié achevées, des formes de plâtre qui semblent tenir par miracle sur des fils de fer, la chaise tachetée de peinture blanche et le chevalet qui a tout vu… L’atelier de Giacometti est sa « région secrète » enfin dévoilée.
Institut Giacometti. 5 rue Victor Schoelcher, 75014 Paris. Ouverture le 21 juin. Visites sur réservation le mardi de 14 heures à 18 heures et du mercredi au dimanche de 10 heures à 18 heures.
www.fondation-giacometti.fr
À ROME CHIRICO DANS SES MEUBLES
C’est un des endroits les plus méconnus de Rome et pourtant il a une situation centrale. Aux pieds des escaliers, au numéro 31 de la piazza di Spagna, non loin de la Villa Médicis, un petit palazzo abrite en étage depuis 1948 l’appartement et l’atelier de Giorgio De Chirico (1888-1990), l’un des artistes les plus controversés de la modernité italienne. Il y résida jusqu’à sa mort. Le visiteur peut être surpris par l’ambiance : un confort bourgeois daté avec partout des tentures pesantes, de l’argenterie et tout de même les tableaux de celui qui fût un temps très admiré par les surréalistes. L’atelier, au deuxième étage de l’appartement est situé à côté de sa modeste chambre occupée par un lit d’une personne. Les pinceaux, les cadres, des copies de bustes à l’antique et des livres sont encore là attendant, et pour toujours, le retour du maître, sous la verrière du studio qui projette une lumière zénithale.
Maison-musée de Chirico. Piazza di Spagna, 31. Rome. Visite sur rendez-vous.
www.fondazionedechirico.org/casa-museo
À EAST HAMPTON CHEZ JACKSON POLLOCK ET LEE KRASNER
Dans les ateliers d’artistes disparus, le passage du temps et de la femme de ménage peuvent entraîner la perte de l’âme du lieu. Mais s’il est un site qui laisse ressentir les vibrations du passé, c’est le studio de Jackson Pollock, le grand peintre abstrait américain connu pour ses dripping (coulures de peintures polychromes). Installé à East Hampton, Long Island, à une époque où les Hamptons n’étaient pas encore envahis par les milliardaires, l’endroit baigne dans le silence. Non loin d’un point d’eau, au milieu d’une étendue d’herbe, se trouve la modeste maison où vivaient Pollock et sa femme, la peintre Lee Krasner. À côté, une cabane qui lui servit de studio entre 1945 et 1956. Le sol n’est plus qu’un immense dripping multicolore, fruit de ses multiples recherches. On le foule en chaussettes, regardant les photos de sa pratique artistique. Puis, on part, en regrettant l’accident de voiture qui coûta la vie au peintre tourmenté.
Pollock-Krasner House and Study Center. 830 Springs Fireplace Rd, East Hampton. Le musée est ouvert l’après-midi de mai à octobre les jeudi, vendredi et samedi.
Brancusi, à Paris : On l’oublie souvent, mais l’atelier de l’immense sculpteur moderne, qu’il avait conçu comme une oeuvre d’art à part entière se visite gratuitement. Sa reconstitution est due à l’architecte Renzo Piano.
Atelier Brancusi, Centre Pompidou, tous les jours de 14h à 18h, sauf le mardi et le 1er mai. www.centrepompidou.fr/Collections/L-atelier-Brancusi
Bacon, à Dublin : C’est l’héritier de Francis Bacon, John Edwards, qui a fait don de l’intégralité du studio londonien du peintre Francis Bacon au Hugh Lane, le musée municipal de Dublin. Le grand désordre des photos au sol mais encore les murs, les portes, le plafond et surtout les peintures et les dessins ont été déplacés en Irlande, son pays natal, en 2001.
City Gallery The Hugh Lane, Parnell Square N, Rotunda, Dublin. www.hughlane.ie/history-of-studio-relocation
__
Rubens, à Anvers__ : Depuis 1946, on peut visiter ce qui était l’atelier et la demeure de Pierre Paul Rubens, le maître de l’art flamand au xviie siècle. La ville d’Anvers avait racheté la maison en 1937 pour la rétablir dans son état originel. Un lieu luxueux mais néanmoins émouvant pour un homme qui devint très puissant et aimait l’argent.
Maison de Rubens. Wapper 9-11, Anvers. www.rubenshuis.be/fr