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Par : piwi
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dimanche 31 Jan, 2021
Catégorie : Economie

Vallourec, cas d’école des impasses de l’industrie française

La politique du « good enough »
Mais tout comme pour Alcatel ou Bourbon, les choses dérapent quand le marché se retourne. Chez les pétroliers, Vallourec a une réputation de sérieux et d’efficacité, mais il est plus cher. Un positionnement difficile à tenir quand les Shell, ExxonMobil et Total décident d’appliquer une politique de type « good enough » et que les sidérurgistes chinois inondent la planète d’acier à bas coûts. « A partir de 2015-2016, il y a eu une montée en puissance très rapide de la concurrence internationale et un changement des pratiques d’achats des grandes compagnies pétrolières. La stratégie du « good enough » s’est imposée dans ces entreprises », explique-t-on chez bpifrance.

Vallourec se prépare pour affronter la tempête qui s’annonce

Pour les analystes, Vallourec manque alors de réactivité. « La société a toujours agi sous la contrainte, mais n’a jamais vraiment anticipé les évolutions de marchés ou les restructurations industrielles ou financières à réaliser », juge Fabrice Farigoule, analyste chez AlphaValue. Vallourec estime qu’il s’agit d’un mauvais procès. « La première crise de 2015, très profonde par son ampleur et sa durée dans le temps, a pris beaucoup de monde à revers, y compris les spécialistes du secteur. Il a fallu redimensionner notre outil industriel en conséquence, et ce sont des décisions très lourdes. Nous étions déjà passés par des soubresauts très importants en 2008-2009, mais lorsque le pétrole chute et remonte au bout de neuf mois, il faut au contraire ne surtout pas toucher à l’outil industriel », souligne-t-on chez Vallourec.

A l’instar d’un « Arjowiggins » qui n’a cessé d’attendre le rebond du marché du papier à l’ère du numérique, Vallourec espère un prochain retour des investissements pétroliers. Mais le monde a changé. Quand les volumes remontent, les prix ne suivent plus vraiment. « La direction n’a pas su réagir à la disparition progressive de clients comme Total », estime Paul Potvin, secrétaire CFDT du CSE et porte-parole de l’intersyndicale de l’usine de Déville-lès-Rouen. Présent dans des pays à bas coûts comme le Mexique, l’Argentine ou la Roumanie, le numéro un du secteur, Tenaris, résiste mieux au coup de Trafalgar.

De l’internationalisation à la délocalisation

Lancée durant les années fastes, la politique d’internationalisation de Vallourec au Brésil, aux Etats-Unis au Moyen-Orient ou en Chine se transforme alors en délocalisation, avec la mise en place de « nouvelles routes de production ». Bilan des courses : entre fin 2008 et fin 2019, les effectifs chutent de 40 % en France mais augmentent de 17 % au Brésil et de 260 % en Chine, selon les rapports annuels.

Au final, Vallourec fait avec quelques années de retard ce que la majeure partie de l’industrie française a fait depuis vingt ans. « La France est parmi les grands pays européens celui dont les entreprises industrielles ont le niveau le plus élevé d’emplois à l’étranger rapporté aux emplois industriels domestiques », écrit le député Thierry Michels, dans un rapport sur la politique industrielle publié la semaine dernière. Les ventes des filiales étrangères des groupes industriels français pèsent deux fois plus que nos exportations industrielles, alors que ce ratio est de moins de 1 pour l’Allemagne et l’Italie.

Vallourec aborde également ces années de crise avec un passif : son manque de maîtrise des grands projets d’investissement. Tout comme EDF va livrer un EPR avec plus de dix ans de retard et des coûts démultipliés, Vallourec a lancé à la fin des années 2000 deux grands projets de construction d’usines au Brésil (2 milliards d’euros en partenariat avec Nippon Steel) et aux Etats-Unis (1,1 milliard de dollars), qui vont tous les deux déraper en termes de budget (+60 % et +46%). « Nous n’avions pas construit d’usines neuves depuis les années 1970, et, là, on en fait deux d’un coup ! Si c’était à refaire, nous referions exactement les mêmes usines, mais en nous appuyant sur davantage de compétences en matière de grands projets », explique alors aux « Echos » le président du directoire de l’époque, Philippe Crouzet, arrivé en 2009.

Trois avertissements sur résultats dans l’année
Enfin, la gouvernance du groupe n’est pas celle d’une entreprise anglo-saxonne. La société conserve le même patron pendant onze ans, en dépit de l’effondrement du titre et alors que les analystes reprochent à la direction de ne pas tenir ses prévisions. En 2012, Vallourec publie trois avertissements sur résultats. En 2016, la société doit avoir recours au marché, trois mois après avoir écarté cette hypothèse. Mais le conseil soutient Philippe Crouzet, car « il n’y a pas vraiment aujourd’hui d’autre stratégie possible que celle qu’il a engagée », répond alors un administrateur. « Il est facile de faire des procès a posteriori mais les choses qui nous paraissent évidentes aujourd’hui ne l’étaient pas forcément à l’époque. En 2011, la notion du peak oil n’était pas dans les esprits et on évoquait un prix du litre d’essence à deux euros », rappelle la Banque publique d’investissement.

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Demain, les créanciers se montreront sans doute moins accommodants, une fois au pouvoir. La question est de savoir s’ils investiront suffisamment pour permettre à Vallourec de se préparer à la transition énergétique. Aujourd’hui, le statut de parapétrolier du groupe complique déjà les choses pour un gouvernement à la fois inquiet du sort des 2.800 salariés français et soucieux d’apparaître comme un soutien au « virage vert ».

« Nous sommes trop dépendants du pétrole et du gaz. De nouveaux marchés doivent être développés dans les énergies renouvelables », estime Wolfgang Freitag, président du comité d’entreprise de l’usine Vallourec de Rath, près de Düsseldorf. L’hydrogène, notamment, apparaît comme une opportunité à ne pas rater. Selon le cabinet Rystad Energy, les investissements dans l’exploration-production pétrolière ont chuté de 30 % l’an dernier dans le monde. Et aucune reprise n’est en vue dans l’année à venir.

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