26/05/2025
La cloche pour l’église Saint-Sauveur de Prague dans les locaux de la fonderie royale Eijsbouts d’Asten aux Pays-Bas

Une fonderie néerlandaise a fabriqué une cloche à partir de restes d’armes provenant d’Ukraine, une cloche qui sera inaugurée à l’église Saint-Sauveur de Prague le 5 juin prochain par le roi des Pays-Bas.

Cette semaine la cloche de plus de 220 kilos et 69 cm de diamètre devrait quitter les locaux de la fonderie royale Eijsbouts d’Asten aux Pays-Bas pour rejoindre la Tchéquie – et plus précisément Prague et l’église Saint-Sauveur, située à deux pas du pont Charles. Le lieu de culte catholique où officie le très populaire prêtre Tomáš Halík n’a plus de cloche depuis 109 ans, quand celle-ci a été réquisitionnée par l’armée pour l’effort de guerre. D’ailleurs, tout comme Saint-Sauveur, beaucoup d’autres églises de la capitale tchèque n’ont plus de cloches depuis des décennies : la faute aux deux conflits mondiaux où de nombreuses cloches ont été confisquées, fondues afin de servir à l’industrie de guerre pour la production de canons ou de munitions.

Photo: Ambassade des Pays-Bas à Prague 

Les occupants nazis ont été particulièrement friands du métal de ces cloches, pillées et détruites dans tout le Protectorat de Bohême-Moravie : une cloche commémorative rappelant leur sort est d’ailleurs aujourd’hui visible au bord du quai Rašín.

« Les cloches sont devenues des armes, nous voulons inverser cette pratique, » souligne l’ambassade des Pays-Bas à Prague pour expliquer l’idée de ce projet qui doit symboliser la coopération accrue des deux pays pour soutenir militairement l’Ukraine – tout en renforçant leurs relations diplomatiques. D’ailleurs, les inscriptions gravées sur la cloche sont en néerlandais, tchèque et ukrainien. Elles sont une citation de la Bible (Galates 5:1) : « Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude. »

Photo: Ambassade des Pays-Bas à Prague 

Le matériel nécessaire pour fabriquer la nouvelle cloche a été collecté et rassemblé sur le front ukrainien, puis transféré en février dernier aux Pays-Bas avec l’aide de l’ambassade d’Ukraine. Restes d’armes ou d’obus, morceaux de roquettes : une partie de ces matériaux destinés à semer la mort est désormais réutilisée « pour un projet pacifique », comme l’explique Joost Eijsbouts, directeur général de la fonderie néerlandaise, ancienne horlogerie vieille de 150 ans, qui a notamment fabriqué une cloche pour Notre-Dame de Paris.

Le processus de fabrication a toutefois été très particulier – voire hors du commun – pour les artisans-fondeurs : alors que les cloches en bronze sont d’ordinaire fabriquées à partir d’un mélange d’environ 80 % de cuivre et 20 % d’étain, le laiton d’une cartouche de 122 mm ou un morceau fondu d’un missile russe ont transformé le résultat – heureusement, sans altérer le son final rendu par la nouvelle cloche. Si fabriquer une cloche prend habituellement entre six à huit semaines, moins de trois semaines de travail ont été nécessaires dans le cas présent.

Le prix du projet de fabrication de la cloche et de son transport s’élevait à 550 000 couronnes (22 000 euros), une somme qui a été rassemblée par trois entreprises néerlandaises implantées en Tchéquie.

Il faudra désormais attendre le 5 juin prochain pour entendre la nouvelle cloche de l’église Saint-Sauveur résonner au centre-ville de Prague : elle sera bénie par Tomáš Halík, en présence du président tchèque Petr Pavel et de son épouse qui accueilleront pour cette occasion le souverain néerlandais Willem-Alexander et la reine consort.