La guerre en Ukraine a mis en évidence la grande dépendance de l’Europe au gaz russe et à de nombreuses matières premières comme l’aluminium, indispensable à l’appareil industriel européen.
Didier Julienne, président de Commodities & Resources (*), décrypte les enjeux de cette dépendance pour l’Union européenne et les pistes pour s’en affranchir.
Un gigantesque lingot d’aluminium primaire, de 13 mètres de long et pesant 35 tonnes, en cours de déplacement à l’intérieur d’une fonderie du groupe Rusal, à Krasnoïarsk, Russie, en 2016.
Après les tensions déclenchées en 2018 sur les marchés et les chaînes d’approvisionnement par la guerre commerciale de Trump avec ses taxes douanières sur l’acier et l’aluminium, après la pandémie qui a mis à rude épreuve l’économie mondiale avec fermetures d’usines pendant les confinements et redémarrages chaotiques bousculant toutes les filières industrielles, de nouvelles fragilités se sont révélées et aggravées avec la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine depuis plus de six mois.
Les tensions touchent les produits finis ultra sophistiqués comme les composants électroniques, mais également le tout début de la chaîne, les matières premières brutes et l’industrie lourde qui apporte les premiers matériaux semi-finis aux industries de transformation aéronautique, automobile… On a beaucoup parlé du gaz russe et de la trop grande dépendance de l’Europe à cette source d’approvisionnement.
Aujourd’hui, on s’aperçoit combien la production de l’aluminium, si indispensable à l’appareil industriel européen, est dépendante des approvisionnements russes.
LA TRIBUNE – Au regard de ses besoins en aluminium, quelle est la situation de la France ? Quelle quantité consomme-t-elle chaque année et combien est-elle capable de produire pour ses besoins ? En termes de souveraineté, de sécurisation de sa chaîne de fabrication de l’aluminium, quels sont les atouts et les faiblesses de la France ?
DIDIER JULIENNE – D’abord, un bref rappel des grandes étapes de la fabrication de l’aluminium. En premier lieu, il faut extraire du sous-sol un minerai, la bauxite. Pour donner tout de suite un ordre de grandeur, il faut 4 tonnes de bauxite pour faire 1 tonne d’aluminium. Une fois extraite, cette bauxite doit être transformée en alumine, dans une usine spécifique, une raffinerie, par broyage et ajout de soude caustique, entre autres.
Puis, dans un autre type d’usine, cette alumine est transformée par électrolyse en aluminium primaire, qui via l’étape de la fonderie, sortira sous forme de lingots, fils, plaques, billettes à destination de toutes les entreprises industrielles de transformation… Ce processus consomme tant d’électricité que l’on peut dire que __l’aluminium, c’est de l’électricité solide !
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Enfin, selon trois procédés (emboutissage, tréfilage et laminage), ces premiers sous-produits que sont les lingots, fils, plaques, billettes__ seront mis en forme pour devenir des produits finis : carlingue d’avion, jante de voiture, profilé de fenêtre, cadre de vélo, canette de soda… En France, les secteurs grands consommateurs d’aluminium sont le transport (aéronautique, automobile), l’emballage, la construction, les biens de consommation courants, le câblage électrique…
La France consomme sur son territoire chaque année entre 1,2 et 1,3 million de tonnes d’aluminium, ce qui signifie qu’elle consomme environ 5 millions de tonnes de bauxite.
Or, la France, inventeur de l’aluminium et premier producteur mondial de bauxite (dans Les Baux-de-Provence) jusqu’en 1939, non seulement n’extrait plus ce minerai de base en grand volume depuis la décennie 1970-1980, mais a également arrêté sur son territoire sa transformation en alumine.
Les grands gisements de ce minerai, très abondant dans la croûte terrestre (8 %, plus que le fer) ainsi que les usines d’affinage de la bauxite en alumine, se situent à l’étranger : aujourd’hui en Australie, en Guinée, aux États-Unis et au Brésil.
Paris est donc totalement dépendant de pays étrangers pour les deux premières étapes de la chaîne de valeur aluminium, c’est-à-dire pour le minerai ainsi que pour l’alumine.
La France a en revanche gardé une capacité industrielle de fabrication d’aluminium primaire par électrolyse de l’alumine avec ses deux usines d’électrolyse et fonderies d’aluminium (Aluminium Dunkerque et Trimet Saint-Jean-de-Maurienne, la première adossée à une centrale nucléaire, la seconde à un barrage hydroélectrique
Bonjour;
Il y a quelques temps sur ce même site, le crédit impôt recherche était plébiscité.
Quelles actions ont été faites? Quelles sommes?