La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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dimanche 26 Fév, 2012
Catégorie : Economie

Retour sur le passé : Un douloureux inventaire

En 1969, à l’image des usines de Revin, nombre d’entreprises industrielles de la vallée de la Meuse ardennaise sont débordées de commandes.

LE 2 juin 1969, le journal Paris-Presse-L’Intransigeant consacre pas moins de dix pages à « L’avenir des Ardennes ». Avenir radieux puisque dans ce département, alors le plus industrialisé de France, les carnets de commandes sont tellement remplis que, faute de main-d’œuvre en suffisance, les horaires de travail dépassent souvent 48 heures par semaine. Inutile de préciser pour quelle raison quarante-trois ans plus tard, c’est le cœur serré que l’on pénètre avec les reporters parisiens dans de grandes usines ardennaises de l’an de grâce 1969.
Nous voici chez Porcher, à Revin, un « complexe industriel constitué de trois usines ». La fonderie d’où sortent 750 baignoires par jour. L’usine céramique où l’on fabrique quotidiennement 2.000 pièces : lavabos, bidets, closets, éviers et « les baignoires céramique dont Porcher s’est fait le seul spécialiste au monde ». La robinetterie qui produit 50.000 pièces par mois.
Comment ne pas s’émerveiller du modernisme des Ets Porcher ? Une caméra de télévision placée dans les fours surveille les cuissons. L’usine céramique dispose d’« un laboratoire qui veille à la stabilité des chamottes (pâtes) et des couleurs d’émail ».
Autre usine de Revin, Arthur-Martin, dont Georges Martin, son PDG, trois ans auparavant, en 1966, a décidé de se reconvertir dans la fabrication des machines à laver. Construite en dix-huit mois, la nouvelle usine, qui emploie un millier d’ouvriers, assure la production quotidienne de 800 machines à laver, chiffre qui devrait être doublé dans les cinq années à venir. Toujours dans l’électroménager, mais à Fumay cette fois, voici l’usine Pied-Selle, depuis peu associée à Brandt. Dirigée par Jacques Prest, elle emploie 1.050 salariés qui produisent, chaque jour, 1.000 cuisinières dont la fabrication dans des ateliers à la pointe du modernisme nécessite le traitement mensuel de 800 tonnes de tôles.

Optimiste
Arrière-petit-fils d’Emile Despas, fondateur, en 1884, de la Manufacture ardennaise de boulons et de ferrures de wagons, Bernard Despas, grand capitaine d’industrie, est le PDG de la SEFAC, société d’estampage et de forges implantée à Monthermé. Il confie au reporter parisien que « le seul frein à l’expansion de l’entreprise est la difficulté que nous avons à recruter une main-d’œuvre suffisamment qualifiée ». D’où sa participation active à la formation professionnelle. « Résolument optimiste quant à l’avenir », il espère, « d’ici deux ans, atteindre une production mensuelle de 2.000 tonnes d’acier pour un effectif de 600 employés ».
Autre florissante usine d’estampage, les Ateliers Thomé-Génot de Nouzonville, dont le PDG, Philippe Dury, et M. Flohimont, son directeur général, détaillent la gamme de leurs pièces estampées destinées notamment à l’automobile : vilebrequins, bielles, pignons, fusées, moyeux, fourchettes de changement de vitesse sans oublier « l’exclusivité en France de la production des pôles d’alternateurs ».
Chiffrée à 700 tonnes pour le mois d’avril 1969, la production mensuelle doit tripler dans les cinq années à venir.
Installée à Charleville-Mézières, la Société Lefort s’est spécialisée dans le tréfilage de l’acier. Forte de 900 employés, elle traite, par mois, 7.000 tonnes d’acier dur et doux. « En parcourant cette vaste usine, relate le journaliste, nous avons noté des fabrications de produits dérivés du fil d’acier, tels que pointes, fils dressés, fils cuivrés, ronce artificielle, grillages à mailles carrés, fils à fourrages… »
Devenu un véritable mastodonte spécialisé, notamment, dans les matériels de travaux publics, « Richier » compte, à Charleville-Mézières, deux usines de mécanique installées dans la plaine de Montjoli, ainsi que La Fonderie Nouvelle et Les Forges de la Vence.
Eaton
Visiblement, pour l’équipe de reporters de Paris-Presse-l’Intransigeant, les deux entreprises ardennaises qui les ont le plus impressionnés sont la CIGCEM et les fonderies Manil de Vivier-au-Court. Chacune d’elle a droit à une demi-page !
L’implantation, à Bogny-sur-Meuse, de la CIGCEM (Compagnie Industrielle de Gravure Chimique et de Mécanique) fut achevée en 1965 à l’initiative de son actuel PDG, M. Nicolas, qui eut la géniale idée de s’associer avec la firme américaine Angel de Dayton.
Bien que n’ayant en cette année 1969 que quatre ans d’existence, forte d’une automatisation très poussée, la CIGCEM est déjà devenue « le numéro un en Europe pour la fabrication des pièces d’esthétique industrielle », destinées notamment à l’automobile, l’électroménager, les postes radios et les téléviseurs : enjoliveurs, cache-roues, tableaux de bord, plaques décoratives…
A Vivier-au-Court, les poussives fonderies Manil sont vieilles de cent soixante-deux ans quand, en 1954, « M. Nourhan Fringhian, personnalité bien connue des milieux de l’industrie automobile les spécialisa dans la fabrication de pièces moulées en fonte selon le procédé américain Eaton ».
Quadruplé en quinze ans, l’effectif est, en 1969, de quatre cents salariés auxquels est proposée la participation aux bénéfices.
« Rien dans les ateliers ne s’apparente aux anciennes fonderies, note le journaliste. Unique en France, la batterie de carrousels assure un moulage automatique des pièces qui tombent sur un tapis roulant qui les conduit aux postes de contrôles, puis à l’atelier de traitement thermique de recuit ».
Quarante-trois ans plus tard, combien cet inventaire est douloureux à découvrir quand on ose dénombrer combien de ces usines sont encore en vie.
Qu’en pensent les chênes de nos forêts ?
Yanny HUREAUX

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4 commentaires pour : "Retour sur le passé : Un douloureux inventaire"

  1. je viens de visionner sur le site de l’INA, un journal TV datant des gréves de Manil… J’ai toujours entendu parler de l’histoire de la fermeture de Manil étant ardennais, mais de voir ce reportage et de connaitre le triste destin de cette fonderie, ça ma retourné le coeur.

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