Je n’imaginais pas qu’un fleuve pouvait être aussi beau ! Son côté sauvage avec ses îlots de sable, ses grands arbres qui semblent relier l’eau et le ciel,
j’ai été littéralement envoutée, charmée, conquise !
Et ce sentiment n’a fait que s’épanouir au fil des années… Je vis non loin de ses rives à Orléans et sa vue ne cesse de m’enchanter, en toutes saisons, La Loire, surprenante, imprévisible, dangereuse aussi, confidente des joies et des peines des promeneurs, la Loire, cette Reine, que les Rois ont tant aimée et parée de châteaux, cette « Muse » des poètes, inspiratrice des écrivains, et des artistes de tout temps, qui ont loué ses beautés, sa douceur et sa force aussi…
Car la Loire a un double visage, et comme de nombreux habitants qui vivent sur ses rives, j’ai été et je suis toujours terriblement touchée et émue par tous ces gens, jeunes et moins jeunes, qui lui ont donné leur dernier souffle; j’ai même assisté un jour, alors que je me promenais sur le dhuys à hauteur du Pont royal, à la remontée du corps d’un homme sans vie par les pompiers… Quelle émotion !
La même quand j’entends parler de ces étudiants d’ Orléans que l’on retrouve quelques mois plus tard à hauteur de Tours dans le lit du fleuve…
La même quand je regarde le tableau de Joseph Aubert « La noyade de Nantes » racontant les tragiques épisodes de noyades organisées sous la Terreur en 1793 et 1794. Des prêtres d’abord, puis des prisonniers et enfin des civils…
La même encore quand je découvre les archives sur Juigné-sur-Loire, où l’on n’a pas oublié les 19 enfants noyés il y a un peu plus de 40 ans à cause des « culs de grève », ces affaissements de sable provoqués par les courants.
La même enfin, quand j’extrais d’une légende sur la Loire ces mots troublants :
» La Loire a besoin d’un homme par jour pour se nourrir »…
En effet, si l’on remonte à sa source, dans le temps comme dans l’espace, c’est par milliers que l’on compte les disparus et morts de La Loire, qui s’y sont noyés par accident, suite aux crues, y ont été jetés lors des guerres notamment, ou se sont volontairement laissés emporter…
Alors c’est tout naturellement que j’en suis venue à vouloir créer une œuvre sur ce joyau de notre patrimoine,
et j’ai pris le temps de laisser murir le projet…
Je présente aujourd’hui avec « Requiem de Loire » une œuvre au visage très différent de ce qu’on a l’habitude de voir sur le fleuve royal
mais une œuvre d’une réalité incontestable et immuable.
Une œuvre certes grave mais également lumineuse, puisque j’ai voulu avant tout au travers de cette création rendre un hommage aux morts et aux disparus de la Loire, pour qui elle a été et est leur dernier lit, leur dernier Ciel…
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Une œuvre douce et poignante__ Un chant, un Requiem…
Créée dans mon atelier sur la musique du très beau « Requiem » de Gabriel Fauré
qui, lui-même a qualifié son Requiem de « Berceuse pour les morts », le sens même donné à ma sculpture.
Et je l’ai nommée « Requiem de Loire ».
C’est sous les traits d’un buste d’une femme douce et bienveillante, protectrice, telle une mère ou une madone que je l’ai imaginée et créée, la chevelure, pour sa part, représentant le courant, composée de corps « suggérés » d’hommes, de femmes et d’enfants, tantôt recouverts d’un drapé, tantôt à nu, entremêlés, entrelacés, formant une sorte de long ballet flottant, bercés par les flots, unis dans la paix de leur dernier repos.
Anne Boisaubert « Requiem de Loire » Bronze Original 1/8 Création 2017
Réalisée à la Fonderie d’Art Delmas de Fontaine-La-Guyon (Chartres)
Il faut absolument aller sur le site d’ Anne Boisaubert pour voir les sculptures réalisées par cette grande artiste mais également pour lire le texte sur la Loire.
C’est vrai qu’elle touche une corde sensible: La Loire et la Touraine où je compte bien me retirer dans quelques mois.