Renault prêt à rompre avec le made in France pour ses futurs SUV électriques
L’usine espagnole de Palencia est en pole position pour accueillir la prochaine plateforme électrique du constructeur. Un dossier très sensible pour Renault, qui a fait du made in France un pilier de sa stratégie électrique.
Par Lionel Steinmann Publié le 30 mai 2025
Scénic, R5, R4, sans oublier la future Twingo : depuis quelques mois, Renault enchaîne les lancements pour muscler son offre 100 % électrique. Dans le même temps, le constructeur prépare sa future vague de modèles à batterie, à partir de 2028, afin d’arriver à une gamme de sept voitures en 2031. Mais leur production ne se fera probablement pas en France.
Sur le plan technique, la prochaine offensive du Losange dans le 100 % électrique se traduira par l’utilisation d’une nouvelle plateforme (la structure de base de la voiture) pour les modèles de taille intermédiaire. Elle servira notamment pour lancer trois SUV du segment C (celui des familiales compactes), dont la prochaine génération du Scénic.
Ne pas brouiller le message
Celui-ci est actuellement produit à Douai, dans le pôle Electricity de Renault. Mais sa future version devrait être transférée de l’autre côté des Pyrénées : d’après le journal spécialisé espagnol « La Tribuna de Automocion », dont les informations ont été relayées par « L’Argus », le constructeur projette d’installer la chaîne de production de la future plateforme dans l’usine de Palencia, dans le nord-ouest du pays.
Selon nos informations, la réflexion est plus qu’avancée. Le constructeur, de son côté, assure que la décision n’est pas prise. « Le dossier est sur la table, mais rien n’est décidé », avance-t-on du côté de la direction, en mettant en avant les incertitudes sur les ventes de voitures électriques, qui ont décollé moins vite que prévu.
Pour le Losange, le dossier est ultrasensible. Sous l’ère Ghosn, une bonne part de la production a été délocalisée hors de France, vers la Turquie (pour la Clio) ou l’Espagne (Captur, Austral…). L’arrivée de Luca de Meo aux commandes du groupe, mi-2020, a marqué une rupture, avec le choix fort de faire des usines de Douai et Maubeuge un pôle spécialisé dans les voitures électriques.
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Electricity a été érigé en symbole de la modernité de la marque, et le made in France est devenu un axe majeur de la communication du groupe sur le segment électrique. Choisir l’Espagne pour étendre la gamme risque de brouiller le message, surtout si la production d’un modèle (le Scénic) est transférée hors de l’Hexagone à cette occasion.
La France ne peut pourtant pas conserver ad vitam le monopole de la production zéro émission de Renault. Avec le passage programmé du 100 % électrique en 2035, il faudra bien convertir les usines européennes à un moment ou à un autre, fait-on valoir depuis quelque temps du côté du siège.
L’Espagne a de sérieux atouts
L’usine de Palencia est déjà spécialisée dans les SUV de segment C et D : elle assemble l’Austral, le Rafale et l’Espace SUV, soit une production de 130.000 exemplaires à eux trois l’an dernier. Avec la nouvelle plateforme, elle resterait dans le même registre, en basculant peu à peu vers l’électrique, avance une source interne.
La décision apparaît d’autant plus probable que l’Espagne, avec son faible coût de l’énergie, dispose de sérieux atouts pour produire des voitures électriques. Luca de Meo, qui est resté cinq ans patron de Seat, a pu observer de près les atouts de l’écosystème ibérique.
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La décision est toutefois compliquée par l’activité moins soutenue que prévu du côté d’Electricity. Les chaînes de Douai et de Maubeuge produisent pourtant la Mégane électrique, le Scénic, la R5, ainsi que l’Alpine 290. Elles sont en passe d’accueillir également la R4, la remplaçante de la Nissan Micra et l’Eclipse de Mitsubishi, un dérivé du Scénic.
Ces sept modèles, avec la R5 en locomotive, étaient censés remplir largement le plan de charge du site. En octobre 2022, le constructeur estimait que la production sur le site dépasserait les 480.000 véhicules par an à partir de 2025. Il ne communique pas sur le sujet aujourd’hui, mais les volumes seront manifestement plus faibles qu’espéré.
Eviter les polémiques
Si Electricity tournait à plein régime, le choix d’investir en Espagne pour les futurs SUV de segment C ne prêterait ni à débat ni à polémique. Le fait qu’il reste de la capacité, le marché étant moins dynamique que prévu, complexifie l’équation.
Et si la solution Palencia se confirmait, l’avenir d’Electricity ne serait pas menacé. Le transfert de production de la Scénic pourrait même être compensé par l’arrivée de l’Alpine A390 en provenance de Dieppe, croit savoir « L’Argus ».
L’écosystème qui s’est constitué dans le Nord autour de la voiture électrique perdrait toutefois des débouchés potentiels. C’est le cas de Verkor, qui va produire à Dunkerque des batteries taillées pour le segment C, dont Renault est à la fois actionnaire (avec 20 % du capital environ) et pour l’instant le seul client avec l’A390.
Lionel Steinmann
Et ca parle de valeurs francaises dans toutes ses communications…