Où va la Chine ?
La Chine est actuellement frappée par une déflation généralisée qui est le fruit d’une organisation territoriale déséquilibrée et d’une vision politique folle, explique Christian Saint-Etienne.
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Les responsables régionaux sont en compétition entre eux pour développer la production d’acier, de ciment, de robots, de microprocesseurs ou de voitures électriques, explique Christian Saint-Etienne. (Photo AFP)
Par Christian Saint-Etienne (universitaire membre du Cercle des économistes)
La Chine est constituée de 23 provinces et 5 régions autonomes. Ces dernières sont des provinces comptant d’importantes minorités nationales, c’est-à-dire des populations qui ne sont pas uniquement des Hans, le premier groupe ethnique en Chine avec plus de 92 % de la population. Contrairement à leur appellation, les régions dites « autonomes » sont sous le contrôle direct du gouvernement central qui se méfie de leurs habitants.
Surproduction permanente
Si le système politique communiste est ultra-centralisé, le pouvoir économique est sous le contrôle principal des responsables communistes dans les provinces dont la réussite et les promotions, décidées par le Bureau politique du Parti communiste, dépendent essentiellement de leurs performances économiques et de leur capacité à maintenir la discipline et la sécurité de la population de leur ressort. Les responsables régionaux sont donc en compétition entre eux pour développer la production d’acier, de ciment, de robots, de microprocesseurs ou de voitures électriques.
Il en résulte une surproduction permanente et une déflation rampante qui menace de plus en plus la stabilité économique et politique de la Chine. Il y avait 80 constructeurs automobiles en Chine en 2022 qui devaient fusionner pour qu’il n’y en ait plus que quelques-uns cinq ans plus tard. Ils sont plus de 100 aujourd’hui car aucune région ne veut abandonner les siens et que le droit des faillites n’est pas incitatif aux restructurations.
En conséquence de ce que je nomme surproduction compétitive, les coûts de production chinois sont inférieurs à ceux du reste du monde de plus de 40 % dans les smartphones, les produits chimiques ou les panneaux photovoltaïques, de 30 % dans les véhicules électriques et machines-outils, et d’un quart dans à peu près toutes les autres productions, d’autant plus que le taux de change effectif réel du yuan a baissé de 20 % au cours des trois dernières années.
Xi refuse de pousser la consommation
Dans ce contexte de surproduction compétitive et de déflation aux effets mondiaux exacerbées par les droits de douane américains qui renvoient les produits chinois vers l’Union européenne et l’Asie hors Chine, Xi Jinping a choisi de combattre la surproduction locale, non par une hausse de la demande interne, mais par une accélération de la production manufacturière ! La Chine assure déjà 31 % de la production manufacturière mondiale et Xi veut qu’elle atteigne 35 % de la production mondiale en 2030 !
En cas de succès, c’est l’assurance de l’accentuation de la déflation généralisée pour les productions manufacturières mondiales. Le refus de Xi de pousser la demande interne a plusieurs causes :
L’investissement (plus de 40 % du PIB) est dans les mains du Parti communiste. Favoriser la consommation, c’est donner plus de liberté de choix aux ménages, ce à quoi Xi et le Parti répugnent.
Ensuite, pour favoriser la consommation, les ménages chinois devraient moins épargner, ce qu’ils ne souhaitent pas faire en l’absence d’une protection sociale généralisée. Les dépenses publiques de retraite et de santé atteignent environ 9 % du PIB en Chine contre 25 % du PIB en France. Pour renforcer la protection sociale chinoise, il faudrait créer une CSG locale et des taxes immobilières. Or la première affaiblirait à court terme la consommation déjà trop faible. Les secondes aggraveraient la crise immobilière avec des conséquences politiques potentiellement illimitées.
Heureusement pour Xi, l’Union européenne, politiquement impuissante face à Trump, est idéologiquement incapable de protéger ses producteurs dans une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » – ce mantra qui constitue la colonne vertébrale des traités européens et qui éviscère l’Europe dans un monde de compétition étatique brutale.
Christian Saint-Etienne est universitaire économiste, membre du Cercle des économistes.
Il a d’ailleurs précisé lors de son interview sur BFM que la cause de la désindustrialisation française : nos députés qui n’en finissent plus
- De voter des avantages sociaux hors de prix à leur base électorale.
- D’ouvrir nos marchés à une concurrence mondiale qui ne respecte pas nos normes de production.
- D’adopter les postures partisanes dont ils pensent encore qu’elles vont mobiliser leur camp : taxation des riches, des entreprises, de leur transmission.
- De s’allier aujourd’hui à ceux qu’ils combattaient hier pour gagner encore quelques temps de mandat…

