LES ECHOS –
L’Ukraine réclame davantage d’obus que ce que l’Europe est capable de produire. Pour soutenir le pays, la montée de la production devient une question clé.
Palette d'obus de 155 mm destinée à l'Ukraine.
l’arme terrestre la plus traditionnelle qui soit a retrouvé du galon.
Personne n’avait anticipé une telle consommation de munitions, le soutien à l’Ukraine ne pourrait pas porter ses fruits sans un effort de production sans précédent en Europe.
D’un côté comme de l’autre du front, les tirs d’obus ont diminué de 75 % depuis l’été dernier, faute de munitions.
Les Ukrainiens réclament à cor et à cri des obus de 155 mm, pour les Himars ou les Caesar, alors que leur artillerie d’origine russe consomme un calibre de 152 mm que ne produisent plus les pays européens.
Un besoin de plus de 350.000 obus de 155 mm par mois, soit plus de trois fois la quantité utilisée en ce moment. d’où une demande à l’Union européenne de lui fournir 250.000 obus par mois. Une quantité quasi utopique, puisqu’elle représente plus de deux fois la capacité de production européenne.
Economie de guerre : la mobilisation de l’industrie de défense ne fait que commencer
Premier producteur d’obus européen, le groupe allemand Rheinmetall a affirmé pouvoir produire 450.000 obus par an et même grimper à 600.000 obus d’ici à deux ans, à condition d’obtenir des commandes.
Le deuxième munitionnaire européen, le groupe français Nexter, ne produit actuellement dans le centre de la France pas plus de 40.000 obus de gros calibre par an.
Personne n’avait imaginé stocker ce type de munitions pour aider un allié, au cas où.
il y a en Europe une quinzaine d’entreprises réparties dans onze pays, capables de fabriquer des obus comment les mobiliser au plus vite,
Reste que la montée en cadence prendra du temps, alors que la demande explose, et que des goulots d’étranglement se forment. Notamment sur la poudre nécessaire à la fabrication des charges modulaires des obus.
Des PME éclatées
Pour assembler un obus de 155 mm, Nexter fait appel aux Forges de Tarbes, PME de 200 salariés qui fabrique les grands corps creux des obus, mais aussi appel à Eurenco, qui fabrique les charges modulaires (la propulsion de l’obus), à Thales et Diehl pour la fusée d’amorçage qui déclenche la charge explosive, à Simmel en Italien, etc. L’industrie munitionnaire en Europe est petite, éclatée taillée pour la fourniture d’un strict minimum pour les armées, les gros volumes fournis par Rheinmetall, Nexter ou BAE Systems étant destinés à l’exportation vers le Moyen-Orient ou l’Asie.
En France, toutes les PME veulent investir. Les Forges de Tarbes (200 employés) ont annoncé un investissement de 7 millions d’euros pour doubler la production en 2024 et la tripler en 2025. Eurenco vient d’annoncer un investissement de 60 millions pour relocaliser à Bergerac sa fabrication de poudre de gros calibre à l’horizon 2.025. Augmenter la production n’est pas impossible. Mais à quelle vitesse ?
Dans un premier temps, le soutien à l'Ukraine va obliger les armées de l'Union européenne à gratter encore dans leurs pauvres stocks de munitions. Mais très vite, il faudra compenser et le commissaire Thierry Breton plaide pour des commandes en commun aidées par Bruxelles. Cette fois, le salut ne peut non plus venir de Washington, car la fabrication d'obus de 155 mm n'y est pas flamboyante non plus.
Armin Papperger, le PDG de Rheinmetall, qui prône un doublement de la production européenne et réclame des aides pour un méga investissement de 700 à 800 millions d’euros dans les munitions, estime qu’il ne s’agit que d’une volonté politique. « L’Europe et les Etats-Unis sont capables de produire plus que ce que ne pourra jamais atteindre la Russie », a-t-il promis.
Thierry Breton a identifié 15 entreprises dans 11 pays qui sont en mesure de répondre à la demande en obus et compte rendre visite à chacune d’entre elles pour évaluer le potentiel de production.
Comme pour les vaccins, il faudra sécuriser certains composants essentiels, notamment la poudre de propulsion.