Un an après son rachat par l’anglais Paralloy, Manoir France ambitionne de devenir la première fonderie au monde
Un an après son rachat par le groupe anglais Paralloy, la fonderie Manoir France connaît 15 % de progression de son chiffre d’affaires et une augmentation des embauches. Si l’activité pétrochimie est conjoncturellement freinée aux États-Unis, elle trouve de nouveaux marchés au Moyen-Orient, tandis que l’activité nucléaire devrait être multipliée par cinq. Et se projette en leader mondial d’ici quatre ans.
Plus d’un an après sa reprise par le groupe anglais Paralloy (6 sites au Royaume-Uni, 530 collaborateurs et 120 M€ de CA 2024), comment se porte Manoir France, à Pitres (Eure) ? Bien, même mieux que bien et Hervé Morin, président de la région Normandie, rappelait, lors de sa visite de décembre 2025, que le couperet de la faux n’était pas passé loin. « Je remercierai toujours Paralloy et Robert Mac Gowan, PDG de Paralloy Group, d’avoir décidé de relever ce challenge. C’était notre seule chance : c’était lui ou la mort… « .
Outre les 6 millions d’euros investis par le groupe anglais lors du rachat de la fonderie en juin 2024, 6 autres millions d’euros émanant de l’État via un prêt du fonds de développement économique et social, la Région avait mis 3,5 millions d’euros sur la table, le tout complété par un prêt d’EDF (3 M€) et abondé par d’autres prêts bancaires (4,5 M€) issus d’un pool de banques, dont la Caisse régionale du Crédit Agricole Normandie Seine.
Devenir numéro un mondial d’ici quatre ans
Après 200 voyages de collaborateurs anglais de Paralloy Group, entre la Normandie et l’Angleterre, venus apporter leur expertise aux équipes locales, les process de Manoir France ont été améliorés, les systèmes d’information entièrement revus et les bonnes pratiques réévaluées dans les différents métiers. Au point qu’aujourd’hui, Robert Mac Gowan ne craint pas d’annoncer vouloir « devenir le numéro un mondial, en faisant de Manoir France la première fonderie au monde ».
Propriétaire de ses alliages et spécialisé dans la transformation des métaux, Manoir France produit des pièces métalliques moulées et forgées pour les marchés de la pétrochimie, du nucléaire, de l’extraction du pétrole, des travaux publics, de l’énergie…
Un an et demi après sa reprise, Manoir France se hisse à un chiffre d’affaires 2025 de 110 millions d’euros, en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, réalisé à 90 % dans la pétrochimie, le reste étant absorbé par les secteurs de la Défense, le nucléaire et l’armement conventionnel. « Les prévisions de cette fin d’année évaluent des bénéfices multipliés par quatre par rapport à l’année dernière, estime Robert Mac Gowan, peut-être même plus ». Des résultats que Philippe-Alexandre Grard, PDG de Manoir France, qualifie d’historiques, « parce que cela fait plusieurs années que Manoir France ne faisait plus de profit ».
Un relais de croissance vers l’Inde et le Moyen-Orient
Le PDG anglais ne désarme pas face à l’adversité. « C’est le mieux que Manoir ait fait ces dix dernières années, mais ce n’est pas là où nous souhaitions être. La raison principale tient aux droits de douane de Donald Trump, qui font que notre croissance est plus difficile. Mais nous compensons en accroissant nos équipes commerciales, nous avons les meilleurs produits sur tous les marchés où nous intervenons. L’environnement économique est très dur, la pétrochimie est très basse en Europe, principalement à cause de la hausse du coût de l’énergie et du conflit russo-ukrainien ».
« On consomme de plus en plus de matières plastiques dans le monde, donc les plus pessimistes parient sur un doublement de la production de matières plastiques d’ici 2050. »
L’exportation capte l’essentiel (90 %) de l’activité de Manoir France, livrant ses produits dans 45 pays différents. Du fait des nouveaux tarifs douaniers, le marché nord-américain, qui représentait 25 % des exportations, est conjoncturellement revenu entre 10 à 15 %. De ce fait, le développement du métallurgiste sur les marchés de la pétrochimie opère un déplacement de son centre de gravité — à court terme- vers l’Inde, le Moyen-Orient et l’Asie. « C’est une inflexion conjoncturelle, tempère Philippe-Alexandre Grard. Il n’y a pas de raison que les États-Unis ne reviennent pas au niveau de production et d’investissement où ils étaient par le passé. À moyen-long terme, il y aura sûrement un rééquilibrage avec les États-Unis ». D’ailleurs, avec un taux de progression de 5 % par an, le marché de la pétrochimie, difficile à court terme, semble néanmoins promis à un essor irrésistible. « On consomme de plus en plus de matières plastiques dans le monde, donc les plus pessimistes parient sur un doublement de la production de matières plastiques d’ici 2050 », estime le patron français.
Multiplier l’activité du nucléaire par cinq
Quoique minoritaire (4 M€, soit 4 % du CA 2025) au sein de l’activité de Manoir France, l’activité nucléaire n’en demeure pas moins historique : Manoir France est sur le marché du nucléaire depuis 1978. « Dans chaque centrale française, il y a des pièces Manoir, et ce, depuis le début du programme nucléaire en France, rappelle Philippe-Alexandre Grard. Et aujourd’hui, on réalise des pièces à la fois pour la maintenance et pour les nouveaux projets. On accompagne nos clients sur les arrêts de tranches pour fournir les composants et on doit réagir en amont pour préparer les composants pour qu’ils soient disponibles à temps pour l’opération de maintenance ». Signe qu’il s’agit là d’un marché aussi important qu’en plein développement, l’ambition affichée est de multiplier par cinq l’activité de Manoir France destinée aux secteurs de la Défense, du nucléaire et des aspects conventionnels.
Conquérir de nouveaux marchés
La majeure partie des produits fabriqués par Manoir France pour le marché nucléaire le sont conformément à la norme RCCM, correspondant aux marchés européens. Mais Westinghouse Electric Company, le principal acteur américain du nucléaire, travaille sous la norme ASME. « Or, cet Américain commence à pénétrer aussi les marchés européens, sur des nouveaux projets comme celui qui se déploie actuellement en Bulgarie et sur lequel nous collaborons grâce à l’acquisition de certifications ASME, souligne le PDG français. Nous avons donc tout intérêt à être sur les deux certifications ».
Manoir France compte notamment parmi ses clients le français Framatome pour lequel il fabrique des roues destinées aux circuits de refroidissement des circuits primaires des centrales nucléaires.
Quant aux EPR2 français, « les commandes sont en cours. Nos clients (Framatome, Vanatome, Valserve, Emerson…) ont des commandes et préparent leurs appels d’offres, auxquels nous allons répondre pour que nous puissions les prendre d’ici juin 2026″, espère Philippe-Alexandre Grard.
Trente postes ouverts en 2026
Un autre indicateur témoignant de la bonne santé de Manoir France : le recrutement. Le site eurois compte 470 employés et a recruté 50 collaborateurs en 2025. « Il reste une trentaine de postes ouverts sur des métiers de radiologues, de maintenance, soudeurs, en centrifugation, en fonderie. Nous avons des métiers très variés sur le site, usinage chaudronnier… Et il n’est pas facile de recruter sur certains métiers techniques en tension (radiologue, soudeur…) », concède le PDG français. Pour pallier les difficultés de recrutement que connaissent certains métiers, Manoir France développe des filières de formation en interne pour ses collaborateurs. « On a ainsi quatre soudeurs en formation et en qualification en interne pour la fabrication de nos fours », conclut Philippe-Alexandre Grard.




