Hippolyte d’Albis : » Non ce n’était pas plus facile, ce n’est pas vrai. Le taux d’emploi des femmes était beaucoup plus faible, il y a une véritable révolution depuis les années 1960-1970 et l’arrivée des femmes sur le marché du travail. Et je ne dis pas du tout que c’est ça qui a causé les problèmes que l’on pourrait avoir aujourd’hui, c’est tout le contraire. Il y a des côtés positifs et il y a des difficultés qui sont propres aux générations présentes. Il faut imaginer qu’en 1960 le taux de bacheliers ne représentait que 11%, c’est extrêmement faible. C’est vrai que lorsque vous n’aviez pas le bac à l’époque, vous pouviez avoir un emploi mais c’est un emploi dont aujourd’hui plus personne ne voudrait : c’était des travaux qui étaient extrêmement durs. Il n’est pas clair que les générations présentes veuillent ce type d’emploi. »
Les baby-boomers ont-ils détruit la planète ?
Hippolyte d’Albis : « Les baby-boomers ont vécu, ce n’était pas leur problématique. Lorsque vous aviez 20 ans dans les années 1960, la question du changement climatique, de la pollution ce n’est pas ce qui intéressaient. Aujourd’hui, c’est vrai que les jeunes font face à une planète qui est très dégradée, je ne le nie pas du tout. Maintenant, dire que c’est la faute de leurs parents c’est un peu faible, c’est un discours qui ne sert à rien.
L’accès à la propriété était plus facile ?
Hippolyte d’Albis : » Aujourd’hui, certes, l’immobilier dans les grandes agglomérations et en particulier à Paris, est très cher. Aux alentours des années 2000, les prix immobiliers ont très fortement augmenté. À Paris, entre 2000 et 2008, les prix immobiliers ont été multiplié par 3. Ça n’a rien à voir avec les baby-boomers, ils ne sont pas en cause, ce ne sont pas eux qui ont fait monter les prix. C’est le résultat de politiques monétaires, c’est-à-dire de décisions notamment des banques centrales, du ministère des Finances, qui ont fait que les prix immobiliers, et les prix des actifs de façon générale, ont très fortement augmenté. »
La nouvelle génération est la première à vivre moins bien que ses parents…
Hippolyte d’Albis : « Ça, c’est un phénomène qui a accompagné la massification de l’enseignement, au cours de toutes ces années, le niveau d’études a très fortement augmenté et en moyenne une personne avait une situation professionnelle qui était meilleure que ses parents. Depuis quelques années on a atteint un espèce de palier dans la diffusion de l’enseignement. Et ça, c’est particulièrement vrai pour les hommes. Toutes ces études ont été faites généralement en comparant la situation d’un fils par rapport à la situation professionnelle de son père, donc on remarque ce ralentissement. Mais si on fait la même chose pour les jeunes filles, on n’aurait pas du tout la même image. L’amélioration pour les jeunes filles est encore très forte, les filles des baby-boomeuses ont une situation bien meilleure que celle de leur mère. »
D’où vient la mise en cause des baby-boomers ?
Hippolyte d’Albis : « Il y a une partie des économistes américains qui ont beaucoup porté l’idée qu’il y avait une responsabilité des baby-boomers et c’est souvent des gens qui défendent l’idée que la dette est une mauvaise chose, et que les baby-boomers auraient bien vécu en endettant la société, qu’ils ont ruiné leurs enfants qui vont être obligés de rembourser les dettes. C’est une façon assez naïve de percevoir la dette publique. La dette publique elle finance aussi le système éducatif qui a permis justement cette massification de l’enseignement, elle finance aussi la santé. Il faut bien imaginer que le taux de mortalité après la guerre de ces jeunes baby-boomers était bien plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. Globalement, entre 1960 et aujourd’hui, l’espérance de vie qui mesure le nombre d’années que vous allez vivre, a augmenté de 20%. C’est-à-dire une vie qui commence aujourd’hui, va être ⅕ plus longue qu’elle ne l’était lorsque vous naissiez dans les années 1960. Tout ça, ce sont des progrès fantastiques qui ont aussi été financés avec la dette publique. Donc ramener la dette publique simplement au confort des baby-boomers au dépend de leurs enfants, je pense que c’est très biaisé. »
Écouter Les baby-boomers sont-ils des privilégiés ?
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Les Idées claires, c’est aussi une version à écouter d’une dizaine de minutes.
L’historien vedette YuvaL Noah Harari explique dans son livre Sapiens que dès le début l’homme a été le plus grand prédateur de notre planète, au détriment des autres espèces vivantes…
Donc tous les héritiers successifs depuis quelques milliers de millénaires peuvent hériter de ce surnom, et il est trop facile de résumer les problèmes de notre siècle naissant à une microscopique période temporaire de l’humanité…
Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas réfléchir à l’amélioration de notre comportement et au respect
Lundi soir j’ai pu voir une émission où Yves Coppens présentait son dernier livre et il a sorti une petite anecdote assez drôle issue de l’une de ses conférences :
Il présentait ‘’sa’’ Lucie, celle qui a fait sa réputation de Paléontologue, l’une de nos ancêtres âgées de quelques millions d’années, 3.2 millions.
Il plaça sur l’échelle de vie de notre planète, apparue il y a 4,2 milliards d’années dans notre système solaire, Lucie, pour expliquer que nous sommes arrivés assez tard après la naissance de notre planète.
Il précisait que notre système devrait avoir selon les calculs des scientifiques, une durée de vie de 5 milliards d’années supplémentaires, date où notre soleil disparaîtra, et son système avec. (Il va donc se passer beaucoup de choses encore dans les années qui viennent)
Quand il fut interrompu par l’un de ses auditeurs qui lui posa la question suivante :
‘M Coppens vous parlez de millions ou de milliards ?’’, Je suis un peu perdu.
Yves Coppens précisa
‘’Des milliards’’
Et l’auditeur répondit tout simplement
‘’Ouf’’
Une bonne histoire pour positiver, relativiser, conserver quelques modesties dans nos jugements, et penser que nous avons encore des choses imprévisibles à vivre, à faire avant cette issue fatale ou non ?