L’Avantime, le fiasco qui a emporté Matra Automobile
CES VOITURES QUI ONT TOUT CHANGE (6/6) Avec son « coupéspace », le petit constructeur français, allié à Renault, pensait ringardiser les cadors allemands du premium. Il récolta un ratage XXL qui a scellé son sort.
Par Lionel Steinmann LES ECHOS
De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. En cette fin de XXe siècle, Matra Automobile semble avoir fait sienne la formule de Danton. Après avoir inventé une voiture inédite en Europe avec L’Espace, pionnier du monospace (commercialisé par Renault à partir de 1984), le petit constructeur français pense qu’il peut doubler la mise avec l’Avantime, un concept encore plus novateur. Cet excès de hardiesse va le pousser dans la tombe.
Si Matra se lance dans l’aventure, c’est parce que Renault souhaite rapatrier sur ses propres chaînes de montage la quatrième génération de l’Espace, qui doit arriver sur le marché au tout début des années 2000. Le Losange prévient donc son partenaire qu’il doit travailler à un nouveau modèle pour occuper son site de production de Romorantin, dans le Loir-et-Cher.
Un concept inédit
Ses designers imaginent alors une nouvelle catégorie de véhicule : le « coupéspace », croisement du coupé et du monospace. Ces deux carrosseries s’adressent à des cibles très différentes. La première vise les hédonistes, la seconde les bons pères de famille. Mais les services marketing de Renault et Matra estiment néanmoins possible de les réconcilier.
« Nous avons ciblé des clients, de plus en plus nombreux, qui recherchent plaisir automobile et polyvalence d’usage dans un concept très éloigné du véhicule familial, rangé et conventionnel », explique à l’époque aux « Echos » le chargé du plan produit du Losange.
Un concept car est dévoilé au Salon automobile de Genève début 1999. Le véhicule de série qui en découle, identique à 95 % selon le constructeur, est présenté six mois plus tard. Il comporte 4 sièges mais seulement deux grandes portes.
Comme son nom l’indique, le véhicule revendique d’être en avance sur son temps. Ses créateurs assument un design très clivant, avec des lignes anguleuses, un arrière bombé, et un énorme toit vitré. Dans les magazines, la publicité interpelle les acheteurs potentiels : « Oserez-vous ? »
Une conception approximative
L’Avantime se singularise aussi sur le plan technique, avec par exemple un mécanisme très complexe pour l’ouverture des portières (qui pèsent 55 kg chacune pour 1,40 mètre de long) et l’absence de montant central, qui sépare traditionnellement l’avant et l’arrière.
Ces particularités vont vite poser problème lors du passage au stade industriel. Mal ajustées entre elles faute de montant central, les quatre vitres se mettent à vibrer ou à siffler à vitesse moyenne. La mise au point de l’ouverture des lourdes portes prend des mois, par tâtonnement. Les contretemps s’accumulent, et le véhicule n’entre en production qu’en octobre 2001, seize mois après la date prévue. « Certains journalistes ont fini par la surnommer « l’Aprèstime » », se remémore François Roudier, directeur de la communication marchés de la PFA.
Ce retard à l’allumage provoque un télescopage avec le lancement de la Renault Vel Satis, modèle premium qui revendique lui aussi un design disruptif, et le chaland peine à faire la distinction entre les deux modèles. Par ailleurs, les premiers exemplaires présentent des problèmes de finition indignes du segment premium et du prix demandé (230.000 francs en prix de base, l’équivalent de 49.000 euros en 2022).
A cela s’ajoute l’absence de motorisation diesel au catalogue, qui dissuade certains acheteurs, et un accueil très tiède du réseau de concessionnaires Renault. Même si certains de ces défauts sont corrigés au fil du temps, les ventes ne décolleront jamais. Le losange finit par en écouler 5.000 en un peu moins de deux ans, là où les prévisions tablaient sur 15.000 la première année. « Sans doute a-t-on surestimé la taille de la niche, le marché potentiel », avancera un peu plus tard le PDG de l’époque, Louis Schweitzer.
Fin de partie en Sologne
Fin février 2003, Lagardère, maison mère de Matra automobile, décide, d’arrêter les frais. La filiale, explique ses dirigeants, perd un million d’euros par jour. Le groupe annonce l’arrêt de la production de l’Avantime et la fermeture du site de production de Romorantin, ce qui entraîne la suppression d’un millier d’emplois. Le reste des activités liées à l’automobile est cédé dans les années qui suivent.
Au total, 8.552 exemplaires seulement du coupéspace ont été produits. Piètre consolation, l’Avantime est déjà considéré comme un modèle de collection et suscite aujourd’hui un certain engouement sur le marché de l’occasion.
C’est la grande époque de Patrick Le Quement au design.
L’avantime se voulait être un monoplace coupé luxueux motorisé avec des 6 cylindres.
Dans cette lignée il y eut la Vel Satîs et la Megane II.
Elles avaient toutes un air de famille.
Effectivement l’avantime à entraîne Matra dans sa chute.