La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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mardi 04 Déc, 2012
Catégorie : Selon la presse

La sidérurgie a-t-elle un avenir en France ?

. Elle possède pourtant encore quelques cartes à jouer, d’autant que la sidérurgie reste un secteur stratégique pour les autorités. Si la filière ne représente qu’1,9 % de l’emploi industriel, son importance « dans l’économie résulte moins de sa taille que de sa place dans la chaîne de production, comme fournisseur direct ou indirect de l’industrie métallurgique (…), des fabricants de biens d’équipement, de l’industrie du bâtiment (…) et de beaucoup de fabricants de biens de consommation », souligne le rapport Faure, remis en juillet au gouvernement (PDF).

Le secteur a déjà connu une première agonie dans la foulée du choc pétrolier de 1973. Entraînés par une crise de surproduction inédite, les deux fleurons français de l’époque, Usinor et Sacilor, ont été contraints de fermer des sites-clés. « Difficile aujourd’hui d’imaginer le choc que ça a été dans une industrie qui n’avait jamais perdu d’argent depuis la guerre. A l’époque, les dirigeants disaient que les hauts-fourneaux ‘pissaient de l’or' », note Eric Godelier, professeur à Polytechnique et auteur d' »Usinor-Arcelor » (Armand Colin).

Avant cette crise, plus de 165 000 salariés travaillaient pour la filière. Ils étaient encore 8 500 à Denain, quand les propriétaires décident de fermer l’usine en 1979. Pour limiter la casse sociale, Paris a mis la main à la poche. Un premier plan de préretraite initié par le gouvernement de Raymond Barre est lancé dès 1977. « Plus de 100 milliards de francs d’argent public 15 milliards d’euros sont déboursés en dix ans », estime Eric Godelier. Obligé de se restructurer, le secteur se modernise en misant sur le haut de gamme. Un pari qui s’est avéré payant, puisque dans les années 1990, l’acier réussit à prendre des parts de marché à l’aluminium. Des accords conclus avec les constructeurs automobiles allemands et japonais favorisent opportunément la reprise.

MITTAL ENDETTÉ

Mais l’explosion de la demande asiatique et notamment chinoise, dans les années 2000, tire à la hausse les prix des minerais de fer et de charbon. Pour sécuriser son approvisionnement en matières premières, le leader français, devenu ArcelorMittal après le rachat d’Arcelor par l’indien Mittal en 2006, investit une part importante des liquidités dégagées par la sidérurgie dans l’acquisition de mines au Canada et au Liberia. Le groupe, présent dans soixante pays, espère ainsi gonfler ses marges mais, ce faisant, il s’endette, car il finance nombre de ses acquisitions par LBO. Quand survient la crise de 2008 qui touche de plein fouet l’automobile et la construction, la demande plonge, et ses recettes avec.

Pour faire face, ArcelorMittal vend des milliards de dollars d’actifs, sabre les dividendes, et fait tourner à plein ses usines les plus compétitives. Les autres doivent se mettre en sommeil. En France, Gandrange puis Florange font les frais de cette stratégie globale. « Mittal aurait pu maintenir les sites en les faisant fonctionner à 80 % dans l’attente de la reprise, mais il a préféré les user jusqu’à la corde », déplore le député Michel Liebgott.

Malgré ses efforts, ArcelorMittal peine à redresser la barre dans un marché en surcapacité. L’activité s’est déplacée vers l’Asie, et notamment la Chine qui produit aujourd’hui 45 % de l’acier vendu dans le monde. A l’inverse, la production européenne a chuté de 25 % depuis 2008. Résultat : au troisième trimestre 2012, l’entreprise essuie une perte nette de 709 millions de dollars, contre un bénéfice de 659 millions un an plus tôt. Son endettement atteint 23,2 milliards de dollars à la fin du mois de septembre. Des résultats sanctionnés par l’agence Moody’s, qui dans la foulée d’autres agences de notation, dégrade la note du groupe, la reléguant au rang d’investissement spéculatif.

Les usines du Vieux continent, spécialisées dans les aciers plats au carbone, payent le prix fort de cet environnement dégradé. Seuls quatorze des vingt-cinq hauts-fourneaux européens d’ArcelorMittal sont encore aujourd’hui en fonctionnement. Souvent présenté comme le joyau de l’empire du groupe, même le site de Dunkerque n’a pas été épargné. L’un de ses quatre hauts-fourneaux, mis à l’arrêt en août pour maintenance, n’a pas été rallumé fin novembre, comme initialement prévu.

Lire : Après Florange, Mittal réduit aussi la voilure à Dunkerque

Mittal répète malgré tout à l’envi que 2 milliards d’euros ont été investis depuis cinq ans dans l’ensemble du parc français et met en avant les résultats du pôle de recherche et développement de Maizières-lès-Metz. Seulement, même dans ce domaine stratégique, les investissements sont revus à la baisse. Fin août, les syndicats s’alarmaient déjà d’une réduction annoncée de 15 % sur le site pour 2013.

L’INNOVATION POUR SAUVER LA FILIÈRE

Les analystes s’accordent pourtant à dire que seule l’innovation peut encore sauver la filière. Les constructeurs automobiles sont perpétuellement en quête d’acier plus léger et résistant, comme l’Usibor, fabriqué justement à Florange. Maintenir cette avance technologique face à la concurrence chinoise reste le meilleur moyen de pérenniser l’activité hexagonale. « Ce n’est pas un hasard si Tata Steel a investi dans la vallée de la Fensch, en Moselle, pour produire ses rails de TGV et de tramway de 108 mètres, alors qu’il licenciait en Grande-Bretagne. En France, nous sommes encore à la pointe en matière d’aciers spéciaux », souligne Michel Liebgott.

« Cela ouvre des perspectives d’exportation vers les pays émergents où la demande en aciers dotés de revêtements particuliers est encore faible, et qui ne disposent pas de laboratoires de R&D à la mesure de ceux qui existent en Europe », observe Michel Capron, chercheur spécialiste de la sidérurgie à l’université catholique de Louvain, en Belgique. Difficile pourtant d’envisager la sidérurgie comme un secteur d’avenir pour l’emploi en France. L’enjeu est surtout de « maintenir les effectifs », selon l’économiste.

A Florange, les salariés misent beaucoup sur le projet Ulcos (Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking), qui doit permettre de réduire d’au moins 50 % les émissions de gaz carbonique lors de la fabrication d’acier, en captant le CO2 issu de la production et en le stockant dans des aquifères salins situés à 100 km environ au sud de Verdun. Les hauts-fourneaux dotés d’une telle technologie regagneraient en compétitivité grâce à d’importantes économies réalisées sur le coût des quotas d’émission.

Porté par un consortium de 48 entreprises de l’UE, le projet, dont le coût est estimé entre 600 et 650 millions d’euros, doit encore recevoir l’aval de la Commission européenne. La décision finale est attendue pour le 20 décembre. De quoi, peut-être, redonner une lueur d’espoir aux salariés.

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