“Alors, c’est vous qui allez nous fabriquer des obus ? Ce n’est pas exactement la même chose que les pièces automobiles, mais il faut bien s’adapter”, plaisantait le préfet avec une employée de la Fonderie de Bretagne (FDB), en marge de la visite du ministre de l’Industrie Marc Ferracci, mercredi 14 mai. “Nous, on est surtout dans la joie de revenir travailler”, lui rétorquait-elle en riant.

Pendant cinq mois, cet énorme rectangle de béton est effectivement resté silencieux. Aujourd’hui, ses petites fenêtres et même son sol vibrent à nouveau sous l’effet des gigantesques lignes de moulage. “C’est une usine qui est presque vivante vous savez”, explique au ministre le directeur du site, Jérôme Dupont. “On le sent quand on arrive le matin et ça nous rassure. C’est un métier passion, peut-être même le plus vieux métier du monde… ”

Ces 266 emplois conservés sur 285 ne vont pas changer l’avenir industriel de la France. Mais cette reprise s’affiche comme un symbole. La réouverture de la FDB le 12 mai à Caudan, dans le Morbihan, en périphérie de Lorient, illustre bien les tendances françaises typiques de l’étrange période que nous vivons. En plein essoufflement de la réindustrialisation voulue par Emmanuel Macron, la guerre en Ukraine puis le désengagement entamé par Donald Trump sont venus offrir des opportunités.

“Le modèle pourrait être décliné”

Alors que cette ancienne filiale du constructeur automobile Renault ne produisait jusque-là pratiquement que de petites pièces en fonte pour les véhicules au losange, elle a effectivement été reprise par Europlasma, un groupe français spécialisé dans la dépollution et la forge pour l’industrie de défense. La Fonderie de Bretagne avait été placée en janvier en redressement judiciaire avant que le tribunal de commerce de Rennes ne donne, fin avril, son feu vert à la reprise par cette société déjà propriétaire des Forges de Tarbes, qui fournissent notamment des corps creux servant à fabriquer les obus de 155 mm utilisés par le fameux canon Caesar. Europlasma avait aussi repris en 2024 la forge de Valdunes, dernier fabricant français de roues ferroviaires, près de Dunkerque, et l’a réorientée vers la fabrication d’obus.

On voit bien comment un contexte international peut servir un effort de réindustrialisation qui s’essouffle, Marc Ferracci le reconnaît : “Les industries métallurgiques sont confrontées à des problématiques récurrentes : la concurrence internationale, les problèmes de demandes pour des secteurs comme l’automobile, ainsi que des problèmes de réglementation, de coûts de l’énergie et de coûts du travail.” Le réarmement européen permet donc de sauver des évolutions mal emmanchées et porteuses de chocs sociaux. “Ici, vous avez l’illustration d’une entreprise qui fait face à un enjeu de diversification. Il faut accompagner cette transition, vers la défense notamment. Le modèle pourrait être décliné.”

Voilà à quoi ressemble donc ce cas d’école : “Le dossier FDB repose sur un tour de table, explique Marc Ferracci. D’abord Europlasma qui met des fonds propres [15 millions d’investissements promis sur trois ans]