Pourquoi l’arrivée du Peugeot 3008 électrique va tout changer pour Stellantis
Le nouveau modèle est construit sur la première plateforme conçue par le groupe après la fusion entre Fiat-Chrysler et PSA en 2021. Elle porte la promesse d’effets d’échelle massifs, équipant bientôt des Peugeot, Alfa Romeo, des Fiat et des Jeep.
Sous la silhouette élancée et les phares griffés du nouveau E-3008 se cachent des nouveautés plus fondamentales que le design. Le SUV compact de Peugeot présenté à Sochaux ce mardi est en effet conçu sur une toute nouvelle plateforme technique, baptisée « STLA M » (prononcer « Stella M »). La première du groupe formé en 2021 par la fusion de PSA et Stellantis, et de surcroît conçue dès l’origine pour accueillir une batterie.
Une plateforme, c’est tout à la fois la fondation et l’architecture physique et électronique d’une voiture, cachée sous la carrosserie. De ses qualités et de ses défauts découlent les performances (et le prix) d’une voiture. Il faut quatre ans pour en développer une – les premiers travaux de la STLA M ont donc été entrepris à l’époque de PSA.
Rivaliser avec Tesla et les Chinois
Capable d’emmener ses passagers sur 700 kilomètres sans recharger, avec une consommation moyenne de 15 kWh, la STLA M présente sur le papier parmi les meilleures performances du secteur. Les futurs modèles équipés de cette plateforme n’auraient pas à rougir sur la route face à Tesla ou aux voitures chinoises.
« La STLA M, c’est la meilleure de sa classe », affirme dès que l’occasion se présente Carlos Tavares, le patron de Stellantis. Des performances d’autant plus étonnantes que la plateforme sera multi-énergies. Elle pourra accueillir des batteries de 98 kWh maximum (soit 550 kg), tout comme un moteur thermique.
« Mais elle est conçue dès le départ autour du pack batterie, précise son concepteur, Hervé Sheidegger, un ingénieur qui a fait toute sa carrière dans la maison. Durant sa conception, je suis passé cinq fois devant Carlos Tavares pour l’assurer qu’elle serait la meilleure de sa catégorie dans l’électrique. » Motorisation, système de gestion de la batterie, architecture électronique : tout est nouveau sur la STLA M.
Deux ans après sa naissance, Stellantis se trouve à un tournant. Ses futures plateformes sont les synergies et les économies de demain. « La convergence des plateformes, qui devrait être une des principales sources d’économies, a été plutôt limitée jusqu’à ce jour », estiment les analystes de BofA dans une note parue cet été.
Impact sur les comptes
« Les bénéfices de la fusion, au niveau du compte de résultat, sont encore à venir, relève Thomas Besson, analyste chez Kepler Cheuvreux. Nous devrions commencer à percevoir durant le deuxième semestre 2023, puis en 2024 et 2025, le plus gros de l’impact opérationnel du lancement des différentes plateformes. Couplé au lancement de modèles électrifiés en Amérique du Nord, il faut s’attendre à une forte dynamique pour le groupe. »
Quatre modèles suffiront pour équiper la quasi-entièreté des gammes des 14 marques du groupe. La STLA Large est attendue dès 2024, la STLA Frame (pour les pick-up) devrait sortir en 2025 et la STLA Small (entrée de gamme), pour 2026, recensent les analystes de BofA.
A horizon 2030, le groupe vise la production de 2 millions de véhicules par plateforme et par an, contre un peu plus de 1 million aujourd’hui. Cela placerait ses plateformes parmi le Top 10 mondial, derrière Volkswagen ou Tesla. La STLA M sera la première à passer à l’échelle. Après l’E-3008, cette plateforme équipera l’Opel Grandland, sera rallongée pour accueillir la carrosserie de la Peugeot 5008, puis de la DS 8, voire des Jeep à horizon 2026, selon les analystes de BofA.
Mutualisation à tous crins
Côté Fiat-Chrysler, le groupe part de loin. Durant les quinze dernières années, le groupe américano-italien avait sous-investi afin de se désendetter, attendant de se marier pour bénéficier des plateformes du futur conjoint. La plateforme DS/DJ, qui équipe les gros SUV et pick-up des marques américaines RAM et Jeep, date de 2008. Côté Fiat, la type 169 équipant les Fiat 500 et Panda thermique et la Lancia Ypsilon existante, a été lancée en 2007. Des antiquités.
Heureusement, PSA avait dans son panier des plateformes récentes et, surtout, compatibles avec l’électrique, afin d’attendre la nouvelle génération des STLA. Stellantis s’est empressé d’utiliser l’eCMP conçue par les ingénieurs de l’ex-groupe français pour électrifier la Fiat 600, et sortir la Jeep Avenger électrique – deux gros succès. Elle équipera aussi la future Lancia Ypsilon (sortie prévue début 2024) et le futur petit SUV d’Alfa Romeo, le Brennero, prévu également pour 2024. De quoi générer de substantiels effets d’échelle ces prochaines années.
L’organisation industrielle suit cette révolution. A chaque usine correspond une plateforme, et non plus une marque. A Sochaux la STLA M, à Saragosse l’eCMP. Cette stratégie, commune à tous les constructeurs mondiaux, permet, en mutualisant les coûts de développement de donner une chance à chacune des marques. Même les moribondes comme Alfa Romeo, Chrysler ou Lancia. Sous les carrosseries et la couche marketing, ce seront bien les mêmes technologies.
Guillaume Guichard