LE FIGARO. – Avez-vous le sentiment en ce début d’année que la crise de la zone euro se calme?
Carlos GHOSN. – La volonté de rendre les pays fiscalement et budgétairement plus responsables, combinée à la mobilisation de la Banque centrale européenne, a rassuré. Il est donc très difficile de faire des prévisions sur notre secteur. Je table sur un recul des ventes de l’ordre de 3% en Europe et plus encore en France, environ 5% à 6%.
Redoutez-vous un éclatement de la zone euro?
Je n’ai jamais cru à un éclatement de la zone euro,
Quels enseignements tirez-vous de cette crise?
Que ce soit au Japon, aux États-Unis, en Europe et même dans les pays émergents, les gouvernements ont pris conscience que la croissance alimentée par la dette, c’est fini. Nous sommes donc arrivés au bout d’un modèle de croissance.
Quel est l’avenir de l’automobile dans ce nouvel environnement?
La croissance sera de plus en plus tirée par les pays émergents, nault.
En pleine campagne électorale, quel sujet vous préoccupe le plus?
La compétitivité de la France, c’est le sujet central. En tant qu’industriels, nous sommes tous d’accord pour créer des emplois ; nous sommes tous sensibles au patriotisme économique, en France et ailleurs. . Soyons clairs, il m’est impossible de construire une Logan en Europe de l’Ouest tout en étant compétitif.
Comment redonner de la compétitivité à la France?
Il y a certaines charges qui pèsent sur le travail en France qui n’existent pas dans des pays proches comme l’Allemagne ou l’Espagne. Ainsi, le coût horaire complet du travail est identique en France et en Allemagne. Pourtant, le salarié allemand a une rémunération nette supérieure au salarié français.
Quel regard portez-vous sur la politique industrielle en France?
On pourrait suggérer que les secteurs prioritaires soient clairement définis. Certains pays ont décidé de définir comme priorité l’industrie automobile. Ce choix est compréhensible: les constructeurs sont à la fois de gros employeurs, de gros investisseurs et représentent le point de rencontre entre différentes technologies: batteries, moteurs, matériaux, électronique… On peut innover autour de l’automobile et créer beaucoup d’activités, notamment avec les voitures «zéro émission».
Pensez-vous que la chute de la production dans l’automobile en France soit réversible?
Il y a matière à développer l’emploi sur des produits à plus forte valeur ajoutée et sur de la technologie. C’est ce que font les Allemands: ils mettent leur haut de gamme en Allemagne et localisent les petites voitures autre part. Les Allemands sont les seuls à avoir réussi sur une niche haut de gamme qui est aujourd’hui attaquée de toutes parts. Sur le haut de gamme, nous allons concevoir une voiture Renault sur une plate-forme Mercedes. Mais nous ne voulons pas faire que du haut de gamme. La valeur ajoutée, c’est aussi: le véhicule utilitaire, la voiture électrique et le moyen de gamme, sur lesquels nous sommes compétitifs.
La voiture électrique démarre plus lentement que prévu. Êtes-vous toujours aussi confiant?
Nous pensons toujours que la voiture électrique représentera 10% du marché en 2020. Ces véhicules offrent de 150 à 180 kilomètres d’autonomie: c’est amplement suffisant pour convaincre 10% des acheteurs de voitures.
La voiture à hydrogène a-t-elle des chances de décoller?
Les voitures à pile à combustible, dans laquelle nous allons investir avec Daimler et Nissan, constitueront la deuxième vague de voitures «zéro émission». Le développement commercial, à un prix raisonnable, commencera vers 2020. Pour l’heure, on est dans un rapport de coût de 1 à 10, entre l’électrique et l’hydrogène.
Renault peut-il avoir une croissance aussi forte que son allié Nissan?
J’espère que la croissance va être très forte des deux côtés. Cela dit, la montée en puissance au Brésil, l’entrée de Renault en Inde cette année et la future présence industrielle en Chine vont donner un coup d’accélération à Renault. À partir du moment où la production démarrera en Chine, en 2014-2016, les volumes vont augmenter fortement et très rapidement.