Le sous-emploi frappe particulièrement les travailleurs non qualifiés, deux fois plus que la moyenne et trois fois plus que ceux qui ont mené à bien des études supérieures. D’où l’action entreprise depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et poursuivie encore aujourd’hui.
Cause profonde
Considérée comme urgente, la politique adoptée est cohérente et, à court terme, plutôt efficace : depuis 2015, l’emploi salarié marchand croît de manière significative. Elle consiste à favoriser l’embauche des personnels concernés en réduisant leur coût pour l’employeur. D’où les réductions successives des charges sociales supportées par les entreprises, puis finalement l’adoption du CICE.
Cependant, les mesures adoptées sont concentrées sur les salaires du bas de l’échelle, ce qui est conforme à l’objectif visé. Le CICE est limité aux salaires inférieurs à 2,6 fois le SMIC et cette approche va être bientôt renforcée par la disparition totale des charges sociales résiduelles (4 points) supportés par les employeurs au niveau du SMIC.
Garrot
Quel est l’effet de ce dispositif sur notre appareil productif ? Le taux effectif des cotisations patronales va monter progressivement de 0 à 33 % des salaires entre1 fois et 1,5 fois le SMIC, rester à ce même niveau en pourcentage jusqu’à 2,5 fois le SMIC, pour sauter brutalement à 45 % au-delà. Ce faisant, on ne résout en rien les problèmes de long terme de notre économie. En effet, on se préoccupe de lutter contre ce qui est immédiatement visible (le chômage des non-qualifiés) en ignorant la cause profonde, structurelle de nos difficultés à attendre le plein-emploi, soit notre perte de compétitivité dans une économie mondialisée. On a posé un garrot sur l’hémorragie la plus apparente, sans se préoccuper des raisons profondes du mal. Le CICE n’est pas calibré assez haut en termes de salaires pour permettre de diminuer les charges de notre appareil industriel.
Dégradation du solde industriel
Depuis le début des années 2000, notre balance commerciale n’arrête pas de se dégrader et le mouvement se poursuit. La part de marché des exportations françaises dans le total des exportations de la zone euro s’est effondrée, de 17 % en 1998 à moins de 12 % aujourd’hui. Les échanges extérieurs étant constitués à près de 70 % de biens industriels, on ne s’étonnera pas de constater que notre solde industriel s’est continûment détérioré, d’une situation encore positive en 2003 (20 milliards d’euros) à un lourd déficit (60 milliards d’euros) en 2017 : plus de quatre points de PIB perdus en quatorze ans. De ce fait, la part de l’industrie dans le PIB français est passée, de manière quasiment homothétique de 16 % en 2000 à 12,5 % aujourd’hui. Parallèlement, l’emploi industriel a chuté sur la même période de 4 à 3 millions de salariés. La production manufacturière actuelle n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise de 2007.
Qu’importe l’industrie, s’offusquent les esprits forts. L’avenir est aux services. Nous n’avons pas de pétrole, nous n’avons bientôt plus d’industrie, mais nous avons des idées. C’est oublier que l’intelligence est mondialement beaucoup plus facilement déployable que le capital. Nos centres de recherche en intelligence artificielle, en conception de robots, ne sont plus en France mais à Bangalore. La moitié des effectifs mondiaux de Cap Gemini est en train, avec quelques années de décalage, de suivre le mauvais exemple de celle des biens industriels. Excédentaire de 25 milliards en 2012, elle est tombée à zéro en 2016.
Le déficit des services de transport, apparu à partir de 2013, est de l’ordre de 4 milliards par an. Plus grave encore, les autres services aux entreprises sont également devenus déficitaires avec un chiffre du même ordre de grandeur, l’ensemble étant sauvé par le seul tourisme.
Perte de compétitivité
Dans cette perte dramatique de compétitivité réside l’origine profonde, structurelle du chômage français. En ne s’intéressant qu’aux secteurs protégés (hôtellerie-restauration, aide à la personne…) et à la partie non qualifiée de la main-d’oeuvre, le pouvoir politique, à partir d’intentions louables, se trompe de diagnostic et commet une erreur majeure : il oublie d’attaquer le coeur du problème, dont tout le reste découle.
La démarche est simple à décrire, plus difficile à réaliser. Il faut absolument changer de pied et entamer un dialogue refondateur avec les employeurs des secteurs de l’industrie et des services aux entreprises, de façon à voir comment alléger leurs charges, améliorer leur compétitivité et obtenir d’eux les efforts indispensables d’innovation, de modernisation et d’investissement. Cela prendra du temps. Raison de plus pour commencer immédiatement.
Jean Peyrelevade est économiste
J’avoue, je n’ai pas eu l’envie ni le courage de lire cette sempiternelle complainte sur le déclin de l’industrie française.
Cela fait trop longtemps (qq décennies) qu’on l’entends..et que rien ou presque n’est vraiment fait pour la stopper.
Et moins l’industrie française a de poids, à l’international, comme sur notre marché et surtout dans l’esprit de nos concitoyens, moins elle a de chance d’espèrer repartir. La messe est dite.
Il faut s’y faire et affronter la vérité en face : notre industrie est moribonde (sauf quelques exemples que l’on nous ressort toujours : Airbus, Total, Air Liquide, etc) et a pris définitivement un cercle vicieux l’amenant doucement vers le destin funeste qui l’attend.
Et ce d’autant plus que les économies dites « émergentes » ont investi cet espace (elles sont devenues nos usines, nos fabriques), que les compétences s’en vont progressivement (tant dans l’industrie, petites ou grandes entreprises que dans l’enseignement, les labos)…et que le discours général a complètement disqualifié ces secteurs au profit de domaines plus « nobles : fonction publique, professions libérales, finances, technologie de l’information, etc.
Quand on voit les élèves des classes (ex. : lycées techniques) qui viennent nous visiter, on a tout de suite compris : filière technique = voie de garage pour gamins paumés, sans envie, guère plus de motivations,… Bien sûr, parmi ceux-là, il y en aura toujours qq uns qui sortiront du lot, mais trop peu.
Industrie : R.I.P.
Tout a fait d’accord,
je suis à mon compte comme agent commercial depuis 20 ans et quand il rentre 100 les charges sociales m’n prennent 50 et ensuite je paie la TVA soit 20 % il reste 40 et ensuite je paie la taxe pour les entreprises il reste 39 puis je paie mes impôts il reste 28 et avec cela je fais 50 000 km par an à 6 litres au 100 km soit 3000 litres de diesel à 1.2 € par litres soit 3600 € ou il y a 80 % de taxe pour l’état soit un gain pour l’état de 2800 €. Et quand je regarde les comptes de l’état il est en déficit grave non!!! je comprends que les sociétés partent dans des pays européens dit low cost
Vous rendez-vous compte du mal que vous faites ?
Je suis vraiment surpris par ces discours abattus.
Si même les utilisateurs habituels de ce blog baissent les bras, alors je ne vois pas l’intérêt de continuer à cafter les nouveautés, à relayer les offres d’emploi, à encourager nos étudiants.
Je ne vois pas l’intérêt non plus de participer aux conférences, aux salons…
Et finalement, je ne crois plus ni en mon métier, ni en mon avenir.
Quand je lis vos commentaires défaitistes, je préfère rester au lit : à quoi bon se battre ?
Messieurs les déserteurs, je trouve que vous manquez profondément de respect à ceux qui se battent chaque jour et qui eux, doivent y croire encore parce qu’ils ont des bouches à nourrir.
Merci pour vos encouragements…
Ces constats pour l’instant ne m’empêchent pas de continuer d’essayer de valoriser ce métier passion et de m’engager, tel un petit colibri, à prendre ma petite part pour éteindre l’incendie de cette descente…aux enfers qui finira bien par remonter. Voilà mon credo pour l’instant encore.
Réponse à M.PRADIS que je n’ai pas l’honneur de connaitre : de quel droit traiter les gens qui ne sont pas de vôtre avis de « déserteur »? Et pourquoi pas connards, ou fachos?
Un peu de retenue. On est sur un blog où chacun peut exprimer ses opinions, avec forcément des points de vue différents : cela s’appelle le respect, la démocratie. C’est toujours bon de le rappeler, ici comme dans la vie.
Mais c’est vrai que ce sont des notions de « vieux cons », certainement, que l’on enseigne plus guère.
Pour en revenir à ce qui nous oppose, je n’en suis pas moins que vous, un fervent et fier défenseur de notre beau métier, que j’ai toujours exercé avec passion et sans regret aucun, bien que cette orientation professionnelle soit plutôt due au hasard.
Mais il faut aussi savoir regarder plus loin que son petit univers personnel et professionnel, et observer, s’informer de l’évolution du monde.
Et pour moi, rien à ce jour, ne nous permet, comme le disait Général de Gaulle, de sauter comme des cabris en clamant que tout ira mieux demain…
« La vérité ne se définit pas comme étant l’opinion de la majorité : la vérité est ce qui découle de l’observation des faits. » Et ne vous en déplaise, les faits sont malheureusement là. Il suffit de vouloir les voir.
Si cela devait s’améliorer, et notre industrie reprendre un peu de vigueur, j’en serais aussi heureux que vous, mais il n’y a pas à mes yeux, le début d’un commencement d’amélioration.
Cela fait des lustres que nous sommes gouvernés par des Sciences Po, ENArques, Polytechnique bien souvent + Mines, qui dès leur diplôme en poche sont entrés en politique et ne connaissent pratiquement rien de l’industrie, du commerce et autres activités qui participent au PIB et à rendre notre commerce extérieur très actif.
De plus ces fameux politiques passent beaucoup de temps à soigner leur image de marque, leur avancement et le soucis de la France passe très souvent bien après.
Alors !!!??? Faut-il un mai 68 nouvelle version !!!??? Ou bien ? Vaste sujet.
Monsieur Mekilékon, vous semblez mieux que moi maitriser l’art de l’insulte.
A la ferveur de vos propos on reconnait bien l’homme plein de retenue, de tolérance et de sagesse que vous semblez être. Merci pour la leçon, je la retiendrai !
Bien sûr (je m’en excuse), le terme « déserteur » est un peu fort. Pour éviter le mot « lâche », je préfère finalement le mot « démissionnaire ». Mais en aucun cas une injure, que diable !
Par ailleurs, puisque vous citez le Général de Gaulle, je vous renvoie à l’appel du 18 juin, date à laquelle une autre cause semblait aussi perdue selon votre sacro-sainte observation des faits.
Je vous invite également à vous renseigner sur le sort que l’armée adressait aux hommes qui ne croyaient plus à la victoire pendant la Grande Guerre. Heureusement que n’en sommes plus là, n’est-ce pas ?
La crise de l’industrie, c’est notre guerre à nous, les actifs. Nous n’avons pas le choix de la mener. Avec ou sans vous cher Monsieur.
« Haut les cœurs ! » comme dirait notre cher PIWI.
Bien cordialement.
Je vois à qui j’ai à faire !!
Les choses sont pourtant simples : participer à un blog, c’est donner son opinion, présenter sa façon de voir les choses….pas de commenter et démolir systématiquement les commentaires autres, qui ne vont pas dans le même sens.
Aucun intérêt; cela ne fait pas avancer le sujet, ne satisfait que l’égo de l’auteur et pollue inutilement ce blog intéressant et de bonne tenue. Fin de la discussion pour moi
PS :comme tout un chacun normalement constitué, je suis conscient de ne pas être parfait, et ne prétends à la sagesse ultime. Mais je n’écris pas d’insultes (relire mon texte attentivement !!). Et je n’aime pas être agressé de la sorte, comme dans votre commentaire déplaçé du 15-11.
Mr Pardis
Je me permet, la proximité du 11 novembre oblige, de relever votre remarque :
« Je vous invite également à vous renseigner sur le sort que l’armée adressait aux hommes qui ne croyaient plus à la victoire pendant la Grande Guerre. »
Je suppose que vous faites référence aux fusillés pour l’exemple, de pauvres hommes qui furent passés par les armes non pas parce qu’il ne croyaient pas en la victoire, mais parce qu’épuisé par des combats incessants, bousculés par ce qu’aujourd’hui nous appelons le stress post-traumatique, ils ne pouvaient plus sortir une enième fois d’une tranchée boueuse pour se faire massacrer sur des positions bien défendues, tout cela pour l’égo de généraux qui bien au chaud à l’arrière, ne voulaient pas comprendre la difficulté des combattants de première ligne et fustigeaient des « fainéants, lâches et pleutres ».
Je vous serait gré de ne pas salir la mémoire des hommes courageux qui furent passés par les armes par les ordres ineptes de dirigeants qui ne connaissaient point la difficulté de leur situation, et voulaient arracher de misérables victoires au prix du sang des hommes pour leur propre carrière et quelques médailles de fer blanc.
Si cela vous évoques certains capitaines d’industrie d’aujourd’hui, ce n’est pas anodin…