SOCIAL. Reprises par le groupe ACI en février 2025, les Fonderies Hachette et Driout sont à nouveau dans le brouillard. Tandis que l’actionnaire vient d’être placé en redressement judiciaire, le syndicat Force ouvrière, majoritaire sur le site bragard, craint une nouvelle déroute.

« On est à l’étape de la lune de miel. Y a eu le mariage, la cérémonie, les photos, et tout le monde était content. Maintenant, il faut voir comment ça se passe. » Tels étaient les mots d’Anna Morel, secrétaire générale de l’Union départementale Force ouvrière (FO), en mars dernier. C’était après la reprise des Aciéries (puis Fonderies) Hachette et Driout par le groupe ACI, suivie par la venue du ministre de l’Industrie, Marc Ferracci.

Ce mercredi 1er octobre, nous avons rencontré Anna Morel ainsi que plusieurs élus, délégués syndicaux et membres du Comité social et économique (CSE). Qu’avait-elle à nous dire ? « La lune de miel est terminée, la catastrophe est proche. » Contactés par FO lundi 29 septembre, nous avions fixé un rendez-vous ce mercredi pour évoquer la situation d’Hachette et Driout. Or, nous avons appris, dans ce court intervalle, le redressement judiciaire du groupe ACI. De quoi noircir un peu plus le tableau.

« Nous n’avons pas attendu le redressement judiciaire d’ACI pour nous inquiéter. Ça ne change rien à ce que nous avons noté, à savoir qu’à Saint-Dizier, nous n’avons jamais constaté les investissements promis par le groupe, comme une cabine de peinture dont nous n’avons pas vu la couleur. C’était du vent. L’entreprise s’autofinance. Or, nous avons moins de commandes. Combien de temps cela peut durer ? », s’émeut William Olivo, secrétaire du syndicat et membre du CSE.

Depuis mardi 30 septembre, la société recourt au chômage partiel dans plusieurs ateliers, « pour quinze jours minimum ». Un témoignage des difficultés économiques qu’elle rencontre. « Des fournisseurs n’ont pas été payés, la trésorerie viendra vite à manquer. Nous avons peu de matière première : pas de résine pour les moules, pas d’inox pour la fusion », décrit William Olivo.

« Il faudrait un petit miracle »

William OlivoSecrétaire du syndicat FO et membre du CSE

Moins d’un an après un premier redressement judiciaire, prononcé le 3 décembre 2024, le syndicat majoritaire craint de repasser sous les fourches caudines. « Un CSE extraordinaire a été convoqué le 15 octobre. Si nous n’avons pas d’éléments rassurants, nous exercerons notre droit d’alerte économique », prévient le représentant du personnel.

Les élus syndicaux s’étonnent des recrutements effectués, tandis qu’une partie des 242 salariés – ils étaient 273 avant le redressement judiciaire – est en activité partielle. « La masse salariale est trop élevée par rapport au nombre de commandes, ça ne tiendra pas », pense William Olivo. FO en veut pour preuve que les salaires du mois d’octobre ne seraient pas encore garantis.

« Aujourd’hui, la situation est très grave. Nous sommes passés de la vigilance à l’inquiétude, et de l’inquiétude à la colère », tonne Anna Morel. « Nous allons demander une audience auprès de la préfète et du maire, et pourquoi pas du ministre si nous en avons un », poursuit-elle. « On est conscients qu’il faudrait un petit miracle pour qu’on s’en sorte », déclare William Olivo. « La transparence est requise. Il y a des salariés avec 20, 30 ou 40 ans d’ancienneté. La direction doit faire preuve d’honnêteté vis-à-vis d’eux », conclut Anna Morel.

Sollicitée, la direction des Fonderies Hachette et Driout n’a pas répondu à nos questions. Philippe Rivière, président du groupe ACI, n’a pu être joint.

Ervan Couderc

e.couderc@jhm.fr

Mardi 25 février, nous apprenions le rachat des Aciéries Hachette et Driout, en redressement judiciaire depuis le 3 décembre 2024, par le groupe lyonnais ACI (Alliance de compétences industrielles), créé en 2019 à Lyon. Un rachat effectué à la barre du tribunal de commerce de Dijon, pour 200 000 €. Des négociations avaient été d’abord ouvertes avec la société allemande Navigator Group et avec le groupe industriel britannique Paralloy. Le tribunal avait retenu l’offre du Français, qui s’estimait « solide et crédible ». ACI comptait sur l’entrée dans son capital du fonds américano-singapourien Fortuna, à hauteur de 82 millions d’euros. Or, les investissements étrangers sont soumis au contrôle du ministère de l’Économie, et la somme n’est, à ce jour, pas débloquée.

ACI, qui a réalisé plus de 30 acquisitions en cinq ans, restait sur un échec avec la reprise de Reims Aerospace. Le fleuron industriel avait été racheté en 2021 et liquidé le 24 novembre 2024, après qu’Airbus et Dassault Aviation, ses principaux clients, avaient retiré leurs contrats avec l’équipementier de composants aéronautiques. Soixante-quinze salariés avaient été laissés sur le carreau, alors qu’ACI Groupe avait « perçu 4 M€ pour redresser l’entreprise », notait Maxime Michelet, député UDR de la Marne. Le parlementaire avait demandé, via une question écrite au ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, publiée au Journal officiel du 21 janvier 2025, une demande d’audit financier de la gestion d’ACI Groupe.