« On a souri d’abord. Quelques cadenas disséminés sur le parapet du pont des Arts.
Des initiales une date gravée ou bien écrite au feutre indélébile, sur le métal.Une idée d’amoureux qui paraissait originale. Fixer dans le fer, sur l’acier, une promesse d’attachement éternel .Sur la Seine, qui s’écoule et ne tarit pas, loin du pont Mirabeau de la mélancolie d’ Apollinaire. Dans la lumière de Paris, où passent les passants à l’infini. On regardait sans regarder, on regardait l’idée, on souriait.
Puis en quelques années les cadenas ont envahit l’espace.
Au pont des Arts, il n’y avait presque plus de place.on a commencé à en voir sur le pont Simone-de-Beauvoir,
sur le pont de l’ Archevêché. Au bout des ponts, des vendeurs à la sauvette ont installé le commerce. Il ne s’agissait plus de livrer à la fois une déclaration et un secret, mais de faire comme les autres.
Et vite la sonnette d’alarme a été tirée. Tout cet acier, c’était beaucoup trop lourd, des dizaines de tonnes.Certains pans de grillage se sont effondrés.Alors au pont des Arts ils ont dit stop.Sur celui de l’ Archevêché, le parapet s’étouffe.
Pourtant, quand le soleil vient jouer sur le métal, c’est beau les cadenas d’amour. Tous les messages contigus dessinent une barrière d’or en arche sur le fleuve.
Paris ne s’en plaint pas Paris est la pierre philosophale. En cinq ou six années, beaucoup de ces amours se sont évanouies sans doute, mais c’est bien comme ça, la trace est restée, dans la rumeur des voies sur berge qui monte vers le pont comme une brume. Est-ce vraiment si lourd, de vouloir pour l’amour un peu d’éternité ? Les cadenas d’amour sont d’or le soir ou le matin : il n’est rien de plus léger que la lumière. »
Philippe Delerm – Les eaux trouble du mojito – édition le seuil – août 2015
L’Amicale travaille toujours au projet des « Cadenas du cœurs »
une manière efficace de montrer que Lavoisier avait raison de dire que » Rien ne se crée, tout se transforme » et que la fonderie en est le grand contributeur pour ce qui est métaux.