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Fonderie Godin à Guise : ce sont les pauvres diables qui paient les bêtises de leur directeur ! Novembre 1887
Guise (Aisne)., — Ouvriers, mes chers camarades, vous n’avez pas comme nous l’avantage de travailler pour le compte du grand philanthrope Godin, et sous les ordres de Bernardot, Sckutowick et consorts, socialistes pacifiques, qui croient que le travailleur est une éponge destinée à nourrir et à enrichir quelques bohèmes, qui traînaient hier encore un soulier et une savate dans un coin de la France.
On vous dira que ces vautours ne diminuent pas les salaires, que nous vivons au mieux avec nos directeurs, avec ces braves gens qui trouvent le mamaou et le hareng des mets suffisants pour l’ouvrier. On aura raison et le devoir pourra servir des renseignements à chacun de vous.
Le grand directeur dit moulage il y a quelques années, fit construire un cubilot. Ce cubilot ne servit jamais, il coûta cinquante mille francs, peu s’en fallut qu’il ne fit sauter l’usine. De là, vint le nom de Marnaval. A l’heure actuelle, on construit deux cubilots. Pour rattraper l’argent perdu, on a trouvé un moyen très simple : les nouveaux ouvriers embauchés sont payés vingt-huit centimes, l’heure au lieu de quarante. Économie par jour et par homme: un franc vingt centimes.
La cinquième roue de carrosse qui dirige soi-disant le moulage, est payée six cents francs par mois, sa part de bénéfices s’est élevée à quatre mille francs ; ajoutez à cela au moins trois mille francs pour les rentes de son titre ; vous arrivez à la somme de 14. 200 fr. Et ce sont les pauvres diables qui paient les bêtises de leur directeur ! Quelle splendeur ! quel progrès que le système du grand homme qui est devenu philanthrope en même temps que Versaillais !
UN MOULEUR – L’Idée ouvrière 26 novembre 1887