Les salariés de la Société aveyronnaise de métallurgie (Sam) de Vivier (Aveyron) se battent pour la survie du site. Thierry Marty, technicien qualité, participe à l’occupation de son usine : 357 salariés de cette fonderie automobile qui travaille « à 80% pour Renault », se sont mis en grève et se relayent jour et nuit pour bloquer ce site industriel en périphérie de Decazeville. Les repreneurs de l’entreprise appartenant depuis 2017 au groupe chinois Jinjiang, avaient jusqu’à lundi pour se faire connaître. Seul le groupe espagnol CIE Automotive a déposé une offre dans laquelle il prévoit la suppression de 214 emplois. « Une pure catastrophe, un électrochoc », lance le technicien.
A l’entrée des bâtiments dont le gris tranche avec la verdure des collines environnantes, les ouvriers ont installé d’immenses braseros et une pancarte sur laquelle la stupéfaction a fait place à l’ironie : « Le monde d’après c’est ici ». « C’est une entreprise qui fait vivre toute une région », affirme David Gistau le secrétaire départemental CGT de l’Aveyron, égrainant la litanie des fermetures industrielles de ces 40 dernières années dans le bassin de Decazeville. « D’abord les mines de fond, puis les mines à ciel ouvert et ensuite la sidérurgie », rappelle le syndicaliste. « Ici il n’y a pas d’alternative, les emplois perdus ne pourront pas être remplacés ».
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« Si Renault qui a décidé de se fournir en partie ailleurs, passait 20 millions de commandes en plus, notre site pourrait conserver tous les emplois », s’indigne David Gistau, estimant qu’une solution est à portée de main. « Renault nous est redevable », ajoute Thierry Marty, rappelant que le constructeur français vient de recevoir pour traverser la crise due à la pandémie un prêt bancaire de cinq milliards d’euros garanti par l’Etat. Entre les machines, les ouvriers aveyronnais préparent des banderoles pour manifester jeudi matin à Rodez avec leurs collègues de l’usine Bosch d’Onet-le-Château, qui ont appris en fin de semaine dernière que 750 emplois seraient supprimés chez eux aussi. Au même moment, à la salle des fêtes de la capitale aveyronnaise se tiendra une table ronde réunissant, les représentants du personnels de la Sam, des élus locaux, un émissaire de Renault, la préfète de l’Aveyron ainsi que l’administrateur judiciaire.
Une réunion qui intervient « un peu tard », remarque Sébastien Lallier, l’un des représentants du personnel. « On vient de faire un point avec notre avocat et notre comptable sur l’offre de reprise espagnole », dit ce grand gaillard barbu dans un large sourire. « La reprise de 150 personnes sur 357 ça signifie la mise à mort de notre usine, qui ne sera pas en capacité d’assurer la production. Il y a une vraie question sur la viabilité de ce projet », explique encore ce représentant CGT.
« Aujourd’hui, tout le monde parle de relocaliser. Nous on dit +chiche+. Nous avons déjà des productions d’avenir puisqu’on fabrique des pièces pour des véhicules électriques ou hybrides », ajoute Sébastien Lallier. Pour le maire de Decazeville, François Marty, l’offre du groupe espagnol est « inacceptable ». L’élu promets de se « battre » car la perte ce dernier bastion industriel pourrait signer la mort de l’activité sur son territoire. « L’agglomération est passée de 40.000 habitants dans les années 1980 à 19.500 aujourd’hui, Decazeville de 12.000 à 5.000. Un emploi industriel fait vivre quatre personnes, les pertes ne se rattrapent pas », dit le maire, confessant ressentir beaucoup de « tristesse ».