La fonderie et Piwi

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Par : Nicolas
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dimanche 24 Mai, 2020
Catégorie : Economie

«C’est l’Histoire et l’identité économique de la France qui disparaît»

pour indiquer que les militants de gauche devaient éviter toute proposition démoralisante pour la classe ouvrière. Pourquoi Billancourt? Ce nom fait référence à la grande usine Renault située dans la ville de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). De 1929, date de sa création, à 1992, 199 491 ouvriers y ont travaillé (on le sait grâce à Marguerite Duras qui a consacré à l’usine un texte intitulé «Le nombre pur»). L’usine occupait alors toute l’Île Seguin, sur la Seine, près de Paris. Dans les années 1960, le site, véritable forteresse ouvrière, employait jusqu’à 35 000 personnes (principalement des ouvriers mais aussi des cadres et des ingénieurs). Un tel gigantisme explique que Sartre ait pu, par métonymie, faire de cette usine le symbole de tout le prolétariat français.

Pourtant, aujourd’hui, un promeneur tout juste déconfiné serait bien en peine de trouver des ouvriers sur l’Île Seguin, l’usine ayant fermé ses portes il y a 28 ans. A la place, on pourra s’extasier devant «La Seine musicale», un ensemble de bâtiments consacrés à la musique et aux concerts. Parfait symbole d’une économie française désindustrialisée où les déficits commerciaux remplacent les excédents, où les services et les loisirs se substituent aux usines, où la gentrification transforme en «boboland» les lieux emblématiques de l’histoire ouvrière. En 2004, la France produisait 3,6 millions de voitures. En 2019, le chiffre est tombé à 2 millions, soit une baisse de plus de 40 % en seulement 15 ans. La France ne se situe plus qu’au dixième rang de la production automobile mondiale, là où nos voisins allemands sont quatrième et construisent deux fois plus de voitures que nous.

Avant même la crise du covid-19 les prévisions pour le secteur automobile français étaient moroses.
Les causes des difficultés du secteur automobile français ne sont guère mystérieuses. Des erreurs stratégiques ont été commises, notamment sur la logistique et sur le positionnement de gamme. L’État a multiplié les signaux contradictoires: après avoir encouragé le diesel pendant des décennies suite au second Choc pétrolier, il le persécute aujourd’hui pour des raisons écologiques. Les charges sociales renchérissent considérablement le coût du travail et tuent notre compétitivité. En théorie, ce coût élevé devrait être compensé par une dévaluation de la monnaie, mais l’euro nous en empêche.

Et la situation ne risque pas de s’améliorer. En effet, avant même la crise du covid-19, les prévisions pour le secteur automobile français étaient moroses. En août 2019, un article des Echos indiquait déjà que «la production automobile allait brutalement décrocher en 2020». En ce qui concerne Renault, la descente aux enfers avait commencé dès 2019, année où, pour la première fois depuis 2009, le constructeur enregistrait une perte nette (141 millions d’euros) alors que son excédent était de 3,3 milliards en 2018. Les soucis de gouvernance et les tribulations de Carlos Ghosn au Japon, créant un climat de guerre larvée entre Renault et Nissan au sein de l’Alliance, n’ont rien arrangé. Dès février 2020, des projets de restructuration touchant les sites français du groupe étaient envisagés.

Mais la pandémie a encore aggravé les choses pour le secteur automobile en général (avec une baisse de 72 % des ventes d’automobiles en France en mars 2020) et pour la marque au losange en particulier. Mercredi 20 mai, Le Canard enchaîné annonçait que Renault connaissait de graves difficultés et préparait un plan d’économie de deux milliards d’euros. Ce plan comporterait notamment de nombreux licenciements, la fermeture de trois usines en France, la restructuration de celle de Flins dans les Yvelines (qui emploie 4 000 salariés), l’abandon de cinq modèles et la cession du réseau de concessionnaires de la marque.

Il existe une mythologie Renault.
Ces rumeurs provoquent d’autant plus de remous que le Gouvernement va mettre en place un grand plan d’aide au secteur automobile en faisant garantir par l’État un prêt bancaire de cinq milliards d’euros. Si Renault licenciait malgré cette aide, cela voudrait dire que les Français auraient financé leur propre désindustrialisation. Nous revivrions, mais de manière amplifiée, le scandale de 2008-2009 où, en pleine crise financière, la BNP, à peine sauvée par l’État, s’empressa de verser de généreux bonus à ses traders. Le Premier Ministre, Édouard Philippe, a d’ailleurs tout de suite réagi en indiquant qu’il se montrerait «intransigeant» sur la préservation des sites de Renault en France et en demandant au constructeur de s’engager sur le maintien de ses activités en France. En effet, il faut espérer que le Gouvernement fera preuve de fermeté car accepter que Renault réduise son activité en France serait un triple désastre.

Renault envisagerait de fermer plusieurs sites en France
Tout d’abord, ce serait un désastre social et économique. La crise économique que nous allons vivre va être terrible. Si on accepte en plus que Renault licencie en France, et ce malgré l’aide de l’État, alors la perte d’activités et d’emplois sera encore plus lourde. Et moins Renault produira en France, plus nous creuserons notre déficit commercial, qui est déjà abyssal. De ce point de vue, ce sera même une double peine: nos exportations baisseraient car nous perdrions une partie des véhicules que Renault exporte depuis la France et dans le même temps nos importations augmenteraient car nous perdrions également une partie des voitures que Renault fabrique encore et vend sur le marché intérieur français, voitures auxquelles devront se substituer des importations.

Ensuite, ce serait une catastrophe symbolique. Renault fait partie de l’Histoire et de l’identité économique de la France. Fondée en 1898, elle fut l’un des pionniers de la construction automobile mondiale. En 1908, elle fut l’une des premières entreprises françaises à adopter les principes tayloristes de l’Organisation scientifique du travail. Elle joua un rôle capital durant la Première guerre mondiale: les taxis de la Marne qui furent réquisitionnés pour transporter en urgence nos troupes sur le front en septembre 1914 étaient majoritairement de marque Renault, de même les premiers chars de combat français furent produits par Renault, dont le char FT-17 qui permit à nos troupes de remporter la victoire finale. Il existe une mythologie Renault (comme il existe aussi d’ailleurs une mythologie Peugeot), liée à la mémoire ouvrière et associée non seulement aux débuts de l’automobile mais aussi aux Trente Glorieuses, période où la voiture se diffusa massivement dans la population. Un texte de 2009, chanté par les ouvriers de l’usine Renault de Sandouville, résume parfaitement ce romantisme: «On se souvient des décennies placées sous le signe du losange / On nous mettait tous au défi de faire rouler la France.»

Enfin, ce serait une catastrophe stratégique. En effet, la crise du covid-19 révèle les ravages de la désindustrialisation. Il y a désormais unanimité pour affirmer qu’il faut relocaliser la production et relancer l’industrie nationale. Mais si l’État acceptait que Renault licencie en France dans les mois qui viennent, alors les déclarations du Président de la République et du Premier Ministre sur la réindustrialisation n’auraient plus aucun crédit. Ce serait un très mauvais signal. Non seulement Renault est une grande entreprise française et va bénéficier d’un plan d’aide de la part du Gouvernement, mais surtout l’entreprise compte l’État parmi ses actionnaires à hauteur de 15 %. Si le Gouvernement se montrait impuissant à imposer sa volonté à une entreprise dont l’État est actionnaire, alors il n’y aurait plus rien à attendre de lui en termes de réindustrialisation.

Sous la houlette de Carlos Ghosn, Renault a été délocalisée autant qu’elle le pouvait.
Précisons au passage que malgré la présence de l’État au capital, cela fait bien longtemps que Renault ne fait plus preuve de patriotisme économique ni de responsabilité sociale. Certes, la marque reste la huitième plus grande entreprise pour le nombre de salariés employés en France (183 000). Mais, sous la houlette de ce fervent adepte de la mondialisation qu’est Monsieur Ghosn, elle a joué le jeu de la délocalisation autant qu’elle le pouvait (bien plus que son concurrent PSA par exemple, plus marqué par les valeurs du capitalisme familial).

L’Alliance Renault-Nissan est le troisième constructeur mondial, mais sur les quatre voitures les plus produites en France en 2019, on dénombrait trois Peugeot, une Toyota et aucune Renault. Des solutions existent pourtant. La plus évidente est que l’État pourrait assortir son plan d’aide d’un certain nombre de conditions strictes liées au maintien de l’emploi et de l’activité. Si Renault a absolument besoin de licencier, ces licenciements devraient peser en priorité sur les sites de production que le groupe possède à l’étranger (par exemple dans son usine de Wuhan en Chine…) et non pas sur le tissu industriel national.

Renault aurait obtenu un accord sur un prêt garanti de 5 milliards d’euros

L’État pourrait également décider de procéder à des annulations de charges pour les salariés du secteur automobile et de subventionner directement les usines, non pas en se contentant de garantir un prêt bancaire mais en versant de l’argent aux sites de production. Au pire, l’État pourrait augmenter sa participation au sein de l’entreprise, voire procéder à une nationalisation provisoire. Après tout, Renault fut bien une entreprise publique de 1944 à 1995.

L’État pourrait également -certes en se plaçant en dehors du droit européen- verser des primes au consommateur pour tout achat d’un véhicule made in France. Bruno Lemaire a pour sa part annoncé envisager le versement d’une prime pour tout achat d’une «voiture verte» (électrique ou hybride). Cela veut-il dire que les voitures classiques, même fabriquées, en France, ne bénéficieront d’aucune aide? Cela veut-il dire aussi qu’une voiture verte fabriquée en Allemagne et vendue en France recevra une prime financée par la contribuable français sous prétexte qu’elle est peu polluante? Subventionner ainsi la concurrence étrangère serait absurde et scandaleux.

L’entreprise japonaise Toyota produit massivement en France tandis que Renault est en difficulté.
A plus long terme, il faudra prendre à bras le corps la question des handicaps structurels qui nuisent à la compétitivité de notre secteur automobile (difficultés de positionnement, question de la montée en gamme, trésorerie et financement, coût du travail trop élevé du fait des charges sociales, absence de compétitivité monétaire…). Il faudra aussi étudier soigneusement le modèle stratégique et logistique de Toyota et en tirer toutes les leçons afin de répondre à ce paradoxe: pourquoi cette entreprise japonaise produit massivement en France tandis que les constructeurs français, et surtout Renault, ont de plus en plus de difficultés à produire sur le territoire national?

Si l’État ne maintient pas l’activité de Renault en France, ce sera un pas de plus dans le «Munich social» que dénonçait Philippe Séguin à propos des renoncements du pouvoir politique sur la question de l’emploi. Séguin ajoutait: «Nous vivons depuis trop longtemps un véritable Munich social. Cette comparaison avec Munich s’impose d’autant plus que nous retrouvons sur la question du chômage tous les éléments qui firent conjuguer en 1938, face à Hitler, la déroute diplomatique et le déshonneur: aveuglement sur la nature du péril, absence de lucidité et de courage, cécité volontaire sur les conséquences des décisions prises.» On sait qu’Édouard Philippe est un disciple d’Alain Juppé, l’ennemi historique de Philippe Séguin au sein de la droite française. Mais en ces temps de tempête, c’est bien chez

Séguin que le Premier Ministre devrait chercher des leçons de clairvoyance et de volonté s’il ne veut pas aller à Munich sur le dossier Renault.

Zone de commentaire !

3 commentaires pour : "«C’est l’Histoire et l’identité économique de la France qui disparaît»"

  1. mythologie Renault ? sans doute

    qui se souvient de la disparition de la marque SIMCA dans la années 80 ?

    quel effet sur la clientèle ?

     

    Piwi : moi je me souviens 

    et même de la marque Talbot.

    conséquence  je n » en ai plus acheté. j’ai  acheté des Peugeot puis des Renault.

  2. mon cher PIWI

    tu dois t’en souvenir encore : je t’avais prêté au débotté ma Samba, un jour des années 1980 à Orléans, un jour où toi et moi venions approfondir nos connaissances en compta

    mémoire quand tu nous tiens ………

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