« Je préfère qu’on achète une marque étrangère produite en France plutôt qu’une voiture française fabriquée à l’étranger. » Depuis plusieurs mois, Nicolas Sarkozy ne manque pas une occasion de donner un coup de chapeau à ces sociétés étrangères qui produisent en France. Le chef de l’Etat-candidat salue l’entreprise étrangère qui fabrique en France (comprenez Toyota à Valenciennes qui produit la Yaris) et fustige l’entreprise tricolore (comprenez Renault) qui fait fabriquer à l’étranger sa Clio pour la revendre dans l’Hexagone.
Pendant que Renault étrenne une usine géante à Tanger (6 000 salariés marocains à terme) et réveille la polémique sur les délocalisations, des capitaux étrangers viennent racheter des marques, des usines et des savoir-faire dans notre pays. Avec l’intention de continuer à produire sur le sol français ! Prenez Barbara, la marque de lingerie, ex-symbole du bon goût français. Ses slips et soutien-gorge sont depuis deux ans la propriété d’une société à capitaux 100 % coréens ! Namyeung, le licencié sud-coréen de la marque de lingerie féminine, a préféré racheter Barbara pour l’exploiter, plutôt qu’investir pour faire connaître sa marque en Europe.
Des emplois préservés
Cette opération a permis le maintien d’une bonne cinquantaine d’emplois (sur 120) à Arcueil (94). Rachetée, revendue… Barbara voyait ses ventes s’effondrer depuis 2007 et avait connu par deux fois le redressement judiciaire. L’arrivée du repreneur coréen est une vraie bouée de sauvetage.
A Saint-Dizier (52), c’est le groupe chinois Yto qui sauve McCormick, un fabricant de transmissions de tracteur en liquidation judiciaire. Non seulement cette entreprise chinoise a racheté l’outil de production, mais elle s’est engagée à maintenir les 206 emplois. Elle compte y investir 8 millions d’euros sur cinq ans et espère créer 400 emplois en ouvrant une ligne d’assemblage pour desservir le marché européen. En Auvergne, les Papeteries du Crouzet doivent leur salut à l’Indien Biltube Industries Ltd : 57 emplois sauvegardés…
Des sociétés étrangères qui implantent ou sauvent des entreprises hexagonales, l’Insee en recense quelque 20 000 en France. Elles représenteraient 14 % de l’emploi salarié, 21 % du chiffre d’affaires de notre économie et 33 % de nos exportations !
Les étrangers sont très présents dans l’industrie tricolore. Ils fournissent du travail à 25 % des salariés du secteur, réalisent 32 % de son chiffre d’affaires et contribuent même pour 40 % à ses exportations ! « En 2010, les investisseurs étrangers ont ainsi été à l’origine de 782 projets de création ou de reprise d’entreprise », rappelle l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii), chargée de les attirer sur le territoire national. Sur les dix dernières années, elles ont créé plus de 300 000 emplois !
Les pays émergents investissent de plus en plus
Beaucoup de projets sont encore initiés par des sociétés américaines ou allemandes. Exemples, le centre de R&D de Google à Paris, le centre logistique d’Amazon en Rhône-Alpes, ou le centre d’appels de Bertelsmann en Champagne-Ardenne. Les faveurs fiscales (suppression de la taxe professionnelle, extension du crédit d’impôt recherche) n’expliquent qu’en partie cette ruée d’implantations dans l’Hexagone. La qualité de la main-d’oeuvre ou sa productivité aussi attirent les faveurs des capitaux étrangers. Sans doute sommes-nous aussi suffisamment compétitifs !
« Nous avons fondé depuis six ans les Etats de la France pour valoriser l’image du pays, nous sommes résolument franco-optimistes », expliquent Robert Vassoyan, Tony Blanco ou Christophe de Maistre, respectivement dirigeants de Cisco France, Barclays Bank France ou Siemens France.
A les entendre, la France reste attractive car elle a évolué. Son crédit d’impôt recherche est l’un des plus avantageux du monde, ses pôles de compétitivité, ses universités, le fait qu’elle ait supprimé la taxe professionnelle… sont autant d’arguments déterminants dans le choix de la France pour que des groupes y localisent leurs investissements.
Les entreprises de pays émergents viennent eux aussi investir en France. Elles sont gourmandes d’unités de production, de marques établies pour se faire connaître ou pour trouver des débouchés. UVZ, le conglomérat d’Etat russe, a ainsi pris une participation à 70 % dans la fonderie pour l’industrie ferroviaire Sambre et Meuse de Maubeuge (59), un fleuron historique.
Ces exemples le montrent : l’économie française est ouverte et doit beaucoup aux capitaux étrangers. Le made in France 100 % franco-français est une chimère. Eric Bascle, directeur industriel de Devanlay, qui détient la licence Lacoste, en plaisante : « Nous sommes une marque française à capitaux suisses dirigée par un Espagnol. Nos huit usines en France sont fournies en coton péruvien et fonctionnent avec des machines allemandes. » Bref, l’industrie tricolore devra aussi son salut au métissage.