Lu dans Les Echos –extraits
le professeur d’économie et président de l’université Paris-Dauphine critique les aides directes versées aux entreprises pour relocaliser.
La France est attractive depuis longtemps. Elle investit beaucoup à l’étranger et reçoit beaucoup d’investissements directs de l’étranger (IDE).
La spécificité de l’industrie française est la polarisation de sa spécialisation industrielle sur des secteurs de haute technologie (transports, aérospatiale) et les secteurs de produits de consommation de faible technologie.
Elle souffre alors de nombreux manques sur les biens d’équipements, les robots par exemple, ou de positions modestes sur les biens intermédiaires.
Aujourd’hui, l’industrie manufacturière représente environ 10 % du PIB (11 % de l’emploi total), contre 28 % en 1967.
A long terme, il y a vraiment un espoir que la France puisse se réindustrialiser
On ne peut nier les efforts qui ont été engagés. Entre 2010 et 2030, environ 110 milliards d’euros seront engagés en faveur du soutien à l’innovation entre les trois programmes d’investissement d’avenir Les bénéficiaires ont essentiellement été les entreprises du numérique, de l’information et de la communication. La portée sur l’industrie a en revanche été limitée.
La France doit adopter une loi de programmation pour combler son retard dans la recherche fondamentale et la dépense par étudiant dans les universités. Elle doit aussi rendre plus attractifs les salaires des chercheurs et des enseignants-chercheurs. La fuite des cerveaux est dramatique dans certains secteurs, l’intelligence artificielle par exemple.
S’il faut poursuivre la baisse des impôts de production, il ne faut pas confondre les objectifs : il s’agit ici de redresser le taux de marge des entreprises françaises pour le rapprocher de celui affiché dans les pays voisins. Cela aura peu d’effets sur les relocalisations.
Ensuite, il faut revoir le crédit impôt recherche. C’est une dépense de 6,6 milliards d’euros, soit les deux tiers de l’aide publique à l’innovation. Il faut le recentrer sur l’industrie – qui ne perçoit que 60 % – et sur les PME.
Un véritable plan d’investissement serait nécessaire pour favoriser la mobilité géographique des salariés touchés par les chocs des délocalisations et restructurations.
Il faut en différencier deux types de relocalisations:
Il y a les relocalisations « ricardiennes » qui consistent à faire revenir l’activité en égalisant les écarts de coûts salariaux unitaires (rapport salaires/productivité). Celles-ci ne sont pas pérennes. Car il y a toutes les chances que l’entreprise reperde très vite l’avantage coût qui a motivé son retour et délocalise de nouveau ensuite.
En revanche, les relocalisations « schumpeteriennes » liées à des innovations dans les territoires, qui aboutissent une production locale pouvant se substituer à des importations sont porteuses de croissance. Ce sont elles qui peuvent réindustrialiser les territoires et qu’il convient de privilégier.
Il y a eu le crédit d'impôt à la relocalisation, puis la prime à la relocalisation, l'aide à la réindustrialisation, etc. Mais les effets ont été extrêmement limités.
Depuis 2005, on a empilé les dispositifs sans mesurer leur impact;
Grâce à sa place centrale en Europe et à sa façade maritime, elle peut desservir de nombreux marchés. Elle a de plus des avantages technologiques. Si elle investit massivement dans la recherche, elle peut profiter de la dynamique de relocalisation qui va être créée par la décarbonation de l’économie. La « décarbonation » du contenu des produits va raccourcir les chaînes de valeur et conduire à une production de proximité. Celle-ci va également être favorisée par la taxe carbone aux frontières qui va renchérir les importations de biens et donc, les rendre nettement moins intéressantes.