Les deux groupes, associés depuis 18 mois dans la coentreprise Flexis avec CMA CGM pour lancer une nouvelle génération de véhicules électriques, ne s’entendent plus. Un divorce n’est pas à exclure.
Par Lionel Steinmann
Décidément, Renault du mal à s’entendre avec les Suédois. Il y a une trentaine d’années, le constructeur français avait annoncé en grande pompe un projet de fusion avec Volvo, avant que le fiancé nordique ne se dérobe à la dernière minute. Aujourd’hui, selon nos informations, c’est le partenariat signé dans les utilitaires avec le fabricant de camions Volvo Group qui prend l’eau.
Les deux entreprises ont dévoilé en octobre 2023 qu’elles s’associaient pour lancer « une toute nouvelle génération de fourgons électriques », susceptibles de révolutionner la livraison urbaine. « C’est peut-être le Tesla des utilitaires », avait lancé le patron de Renault Luca de Meo, lors de la formalisation de l’accord en avril 2024.
Associés à parts égales
Les deux alliés ont monté une société commune, baptisée Flexis, dans laquelle ils ont chacun investi 300 millions d’euros pour détenir 45 % des parts. Le géant de la logistique CMA CGM s’est joint à l’aventure en apportant 120 millions d’euros à Flexis contre 10 % du capital.
En apparence, le plan de marche se déroule sans encombre. L’Estafette, la Goélette et le Trafic, les trois utilitaires que prépare Flexis, ont été dévoilés en janvier dernier, et le lancement de la fabrication sur les chaînes de montage est toujours prévu pour 2026. De nouveaux partenariats pour enrichir l’offre de services ont été annoncés fin novembre.
Mais dans les coulisses, les deux actionnaires principaux ne s’entendent plus. La divergence porterait sur les perspectives d’activité et le rythme du développement, selon une source. Le sujet serait devenu un point de blocage, au point que le mandataire judiciaire Marc Sénéchal a été désigné il y a un mois, rapporte un des acteurs, pour jouer les conciliateurs et tenter de trouver une issue.
A ce stade, tous les scénarios sont sur la table. Celui d’un accord pour redémarrer ensemble sur de nouvelles bases reste possible, même s’il est de moins en moins probable. Au vu de l’importance pour Renault du marché des utilitaires, la piste d’un rachat par le français des 45 % de Volvo Group semble la plus crédible. L’inverse n’est théoriquement pas à exclure.
Contacté par « Les Echos », Renault se contente d’indiquer qu’il « travaille avec les autres actionnaires à l’adaptation du business plan à l’évolution du marché ». CMA CGM, en retrait dans la querelle, serait néanmoins très assidu aux réunions.
Mauvaise nouvelle pour Renault
« Il n’y a pas de sujet sur la viabilité de Flexis qui se développe comme prévu, ni sur la santé financière de ses actionnaires, analyse une source au fait du dossier. La jeune pousse n’est pas en danger, mais elle a besoin d’actionnaires qui poussent dans le même sens. »
Ces turbulences sont une mauvaise nouvelle pour Renault. Pour sa trésorerie tout d’abord : si Volvo Group accepte de vendre sa participation, il en demandera plus que les 300 millions initiaux. Le constructeur français devra ensuite supporter seul la quasi-totalité des investissements qui restent à faire, à moins qu’il ne dégote un nouveau partenaire.
Cette querelle vient également ternir le discours de Renault sur les partenariats. Pendant ses années à la tête du groupe, Luca de Meo a fait de ces alliances ponctuelles le levier principal pour pallier le manque de taille critique. Cette stratégie, voit-on aujourd’hui, n’est pas sans risque.
Lionel Steinmann
