Les berlines et les monospaces confrontés à la déferlante des SUV selon les Echos –
Les ventes monospaces, particulier nouvelle Renault Espace fabriquée Douai, hauteur attentes.
Les ventes de monospaces, en particulier de la nouvelle Renault Espace fabriquée à Douai, ne sont pas à la hauteur des attentes. – Philippe Huguen/AFP
L’usine de Renault à Douai, qui fabrique la Scenic, l’Espace et la Talisman, va réduire sa production de 25 %.Des segments aujourd’hui vivement concurrencés par les SUV.
Tout un paradoxe. Réunis en comité d’entreprise mercredi matin, les salariés de l’usine de Renault à Douai (Nord) ont pu mesurer le contraste entre les chiffres annoncés par le groupe la veille, et les mesures qui seront appliquées sur leur site dès le mois prochain : alors que les ventes mondiales ont bondi de 9,4 % au troisième trimestre , la production sera réduite à Douai de 25 % – et les effectifs ajustés en conséquence. « Les salariés de Renault ne seront pas affectés, l’ajustement se fera par non-reconduction de contrats d’intérimaires », explique Eric Thery, délégué CFDT à Douai. Le site emploie aujourd’hui 3.000 personnes et près de 1.500 intérimaires.
Difficultés au démarrage
C’est que l’usine de Douai produit des véhicules dont les ventes sont plutôt décevantes : la nouvelle Scenic (lancée fin 2016), la Talisman (2016), et l’Espace (2015). Selon les syndicats, l’usine ne devrait produire que 150.000 véhicules cette année, au lieu des 180.000 espérés. « Ces performances sont d’autant plus décevantes qu’il s’agit de véhicules récents », indique Bruno Aziere, délégué central CFE CGC. « Il y a eu des difficultés au démarrage, avec la défaillance d’un fournisseur majeur qui a subi un incendie puis des inondations : or les ventes perdues au moment du lancement sont difficiles à rattraper. Mais il y a aussi eu des déceptions commerciales ». Selon les données d’IHS Markit, la production est inférieure de 20 % aux attentes initiales de Renault pour la Scenic et l’Espace, et même de 30 % pour la Talisman.
Le SUV, nouveau roi de la voiture en Europe
Renault établit un nouveau record de ventes
En réalité, toutes les grandes berlines et les monospaces subissent les même revers. « Renault ne démérite pas par rapport à d’autres véhicules du même segment, comme la Peugeot 508 ou la Ford Mondeo », indique Ronan Noizet, analyste chez IHS Markit. De fait, même si les trois véhicules de Renault arrivent toujours numéro un sur leurs segments en France, ils sont confrontés au raz de marée des SUV , ces (faux) 4×4 urbains, dotés de silhouettes surélevées, qui représentent aujourd’hui près du tiers du marché en France. « Avec leur look dynamique et leur style baroudeur, les SUV ont ringardisé les berlines et les monospaces familiales », poursuit Ronan Noizet.
Carton du SUV Peugeot 3008
Les constructeurs français en profitent aussi. Sur les neuf premiers mois de l’année, Peugeot a déjà vendu plus de 300.000 SUV 2008 et 3008 , tous deux positionnés dans le top 5 des ventes en France. Un véritable carton. Chez Renault, le Captur et le Kadjar se vendent bien également, et le groupe s’est félicité cette semaine du démarrage de son nouveau Koleos, lancé en juin dernier. « Il y a une véritable cannibalisation. Au point que l’on peut sérieusement se demander si les monospaces, et notamment la Scenic, seront renouvelés », s’interroge Ronan Noizet. Le poids des SUV en Europe ne cesse de s’accroître, quel que soit le segment concerné : de 19,7 % à 24,5 % entre 2015 et 2017 pour les citadines, et de 22,8 % à 30,9 % pour les grosses voitures.
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Difficulté à percer sur le Premium__
Sur la Renault Talisman, la déconvenue s’explique aussi par le désamour croissant des automobilistes pour les grosses voitures. « Même sur le haut de gamme, la clientèle urbaine préfère désormais les voitures moins volumineuses et moins gourmandes en carburant », explique un autre expert. Ainsi que par la difficulté traditionnelle des constructeurs français à percer sur le haut de gamme. « C’est compliqué pour un généraliste de vendre du Premium, domaine de prédilection des constructeurs Allemands », souligne Flavien Neuvy, président de l’Observatoire Cetelem de l’automobile. « Les clients sont très exigeants et les marques n’ont pas le droit à l’erreur. Il faut des années pour se construire une image… »
Anne Feitz