Utilisé dans les pays d’Europe du nord depuis plus de soixante ans, le concept du réseau de chaleur commence à se déployer dans l’Hexagone. Grâce à la captation de la chaleur liée à l’activité humaine, les villes peuvent espérer chauffer à moindre frais une partie de leurs habitations. Outre l’attractivité financière d’un tel projet, les arguments écologiques séduisent aussi les élus locaux : on économise l’énergie en la recyclant et on limite au maximum les rejets de gaz à effet de serre. Dernier exemple en date, la ville de Charleville-Mézière vient de conclure un partenariat inédit avec le groupe automobile PSA : dans les années à venir, l’usine PSA de Charleville fournira de la chaleur à une partie de la ville.
Le réseau de chaleur : une énergie sous-exploitée
En Suède, le principe de la captation de la chaleur est connu et utilisé depuis les années 1940. Il s’agit de tirer le meilleur parti des émissions de chaleur liées à l’activité humaine, notamment dans la production industrielle. En temps normal, lorsque la chaleur n’est pas captée, elle est simplement rejetée dans l’atmosphère. Mais si cette chaleur résiduelle est captée, elle peut alors être stockée et servir à alimenter un réseau de chaleur pour couvrir les besoins des bâtiments. Le procédé en lui-même est assez comparable à celui de n’importe quelle pompe à chaleur. Pourtant, ce concept énergétique très malin est encore minoritaire. Au sein de l’Union Européenne, les réseaux de chaleur représentent péniblement 13% de la production de chaleur. Une part d’autant plus faible que la répartition est largement inégale : les pays nordiques ont davantage recours à cette pratique que les pays d’Europe du sud ou d’Europe centrale. D’après les experts en énergie de l’association Euroheat & Power, si toute la chaleur gaspillée en Europe était captée, elle permettrait de couvrir les besoins en chauffage de tous les bâtiments du continent. Encore mieux : ce recyclage de la chaleur permettrait de réduire les émissions de CO2 du continent de près de 10%, soit environ 400 millions de CO2 sur une année.
Schéma de fonctionnement d’un réseau de chaleur urbain.
Certes un réseau de chaleur permet de chauffer une zone urbaine plus limitée qu’un réseau traditionnel. Il part d’un ou de plusieurs points de production pour ensuite couvrir une zone de bâtiments auxquels il apporte le chauffage. Mais son avantage, c’est que n’importe quelle activité industrielle qui fournit une chaleur élevée et régulière peut servir à développer un réseau de chaleur. Or, les activités industrielles qui dégagent de la chaleur ne manquent pas, notamment les usines, les centres d’incinération des déchets, les data centers informatiques… Grâce à la captation et à l’exploitation de cette chaleur résiduelle, on peut non seulement faire des économies d’énergie (et donc des économies sur les factures d’énergie), mais on peut également limiter le rejet de CO2 dans l’atmosphère. Un argument qui fait particulièrement mouche en pleine époque de transition énergétique et qui explique le récent regain d’intérêt pour ce système de chauffage.
Pour l’instant, seulement 36 grandes villes européennes ont déployé des réseaux de chaleur : Rotterdam, Göteborg, Gênes, Cologne, mais aussi Londres. La capitale britannique a inauguré un système original de récupération de la chaleur du métro afin de chauffer les bâtiments qui se trouvent le long des lignes. Autre innovation à Rotterdam où c’est cette fois un réseau de froid qui a été mis au point : des capteurs ont été installés dans le lit du Rhin, qui traverse la ville. La fraîcheur captée sert ainsi à rafraîchir les bâtiments.
Le site Georg Fischer de Singen, près du lac de Constance recycle déjà depuis près de 10 ans la chaleur de son cubilot pour chauffer les bâtiments de l’usine Maggi se trouvant juste à côté.