Pourtant, Jean-Michel et Guy l’assurent : l’histoire familiale ne les investissait pas d’un devoir absolu. « Devenir MOF, c’était avant tout une reconnaissance de mon savoir-faire » , explique Jean-Michel. « Mes frères ne m’ont jamais mis la pression. » Toutefois, les aînés n’hésitaient pas à le taquiner. « Au moindre défaut sur une pièce, François me disait : ‘’C’est pas comme ça que tu vas devenir meilleur ouvrier de France !’’ »
Ainsi, chez les Maurice, peut-on véritablement être fondeur sans être Meilleur ouvrier de France ? Pas sûr… Car c’est bien le grand frère, François, avec son air calme et posé, qui a mené ses cadets jusque-là : « François m’a tout appris du métier » , confie Jean-Michel. « Mes frères m’ont donné envie de devenir fondeur. J’ai une formation de maçon à l’origine. Mais, à 33 ans, quand la boîte dans laquelle je travaillais a fermé, je me suis lancé. » Il a rejoint alors l’aîné à la fonderie de Port-sur-Saône (Haute-Saône), qui le prend sous son aile. Et place pour lui la barre très haut. « Aujourd’hui encore, il me tombe dessus à la moindre erreur ! Il est très exigeant… » , assure Jean-Michel, qui travaille toujours avec son frère, mais à la fonderie Redoutey, établissement emblématique de la commune de Saint-Sauveur. « François est le plus expérimenté d’entre nous ici. Il peut tout faire, chaque étape de la réalisation d’une pièce de A à Z. »
« Crève-cœur »
« Je me souviens qu’il me disait : ‘’Je te donne une journée pour apprendre ça, sinon tu dégages !’’ » , rapporte Guy Maurice, qui a lui aussi été l’apprenti de François.
Cinquième enfant de la famille, Guy a toujours été très proche de François et de Jean-Michel, « depuis tout gosse. » Les trois frères ont d’ailleurs investi ensemble, il y a onze ans, dans une vieille bâtisse à Villers-sur-Port, pas très loin du berceau familial, et la retapent depuis tous les week-ends. Guy, lui, a dû laisser la fonderie derrière lui. Des problèmes de santé l’ont contraint à se reconvertir. Aujourd’hui, cariste logistique à Peugeot, il ne cache pas que ce fut un « véritable crève-cœur » de déposer les outils. C’est sans doute la raison pour laquelle, il s’est engagé dans l’aventure MOF. « Je le voulais aussi pour notre mère, qui a toujours souhaité qu’on le fas se. Elle est décédé e il y a dix ans. »
Jean-Michel et lui, mais aussi Manuel Henriques, autre employé de la fonderie Redoutey, ont réalisé, en trente-deux heures, la reproduction du buste de Laocoon. « J’ai tout de suite pensé qu’ils seraient reçus », confie l’autre grand frère, Didier Maurice, qui, en tant que commissaire haut-saônois des expositions du travail, a contrôlé le début et la fin des opérations à Saint-Sauveur. « La qualité se remarque aux coutures de la pièce battue. Si elles sont bonnes, la pièce est belle. »
« Leur travail n’est pas trop mal » , nuance François, d’un air faussement dédaigneux, et véritablement fier d’avoir contribué à les hisser sur la plus haute marche. Une élite dans laquelle la famille Maurice a fondu ses lettres de noblesse.
Laurie MARSOT
Messieurs,
Je vous présente toutes mes sincères félicitations. C’est un honneur d’avoir plusieurs Meilleurs Ouvriers de France dans sa famille et une grande fierté pour tous vos amis.